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quelques points spéciaux de logique, il y avait lieu d’offrir dans un ensemble systématique le tableau des résultats que cette science a obtenus de nos jours. Il ne veut donc pas exposer la théorie de l’induction ou de la déduction, ou la logique du hasard ; toutes ces théories sont des cas divers d’une seule et même théorie, de la théorie de l’inférence. Il semble à M. Bosanquet qu’il y a la même unité dans la vie intellectuelle que dans la vie d’une plante ou d’une fleur, il cherche donc à reproduire dans sa variété l’unité essentielle du développement de la pensée. C’est pour cela qu’il donne à son livre ce sous-titre Morphologie de la connaissance.

Mais cette Morphologie de la connaissance est en même temps une logique, puisque l’auteur s’attache surtout à montrer l’unité qui se retrouve sous toutes les opérations de la pensée. C’est ce qui fait que ce livre n’est pas une théorie psychologique de la connaissance, mais bien une théorie logique. Cependant le point de vue matériel et psychologique n’est pas ici soigneusement séparé du point de vue formel et logique ; M. Bosanquet se réclame de M. Bradley, de Lotze et de Hegel ; il ne peut par conséquent séparer entièrement le fait du droit, la forme de la matière. Pour lui comme pour Hegel, la logique n’est pas seulement formelle, mais aussi réelle, de sorte que nous trouvons dans son ouvrage non seulement de la logique formelle, mais encore beaucoup de psychologie et plus encore de métaphysique.

Je n’ai pas l’intention d’analyser ici par le menu l’ouvrage de M. Bosanquet. La tâche serait trop longue pour le lecteur et je rendrais un mauvais service à l’auteur. Ses analyses valent surtout par le détail, elles sont fort intéressantes, je ne pourrais que leur enlever de leur valeur en les résumant. Les lecteurs qui s’intéressent aux études de logique voudront lire eux-mêmes l’original. C’est avec les Principes de logique de M. Bradley l’ouvrage de logique le plus intéressant qui ait paru en Angleterre depuis la Logique de Jevons. Pour les lecteurs qui ne veulent que se tenir au courant de la direction générale du mouvement logique contemporain, je me contenterai d’indiquer l’idée maîtresse du livre et les résultats généraux où il aboutit.

Toute l’économie de l’ouvrage gravite autour de ces deux idées : 1o il y a dans l’esprit une forme native qui fait l’unité de la vie de la pensée, tout acte mental est un acte logique en tant qu’il est une unification des éléments multiples que l’intuition sensible fournit à la conscience ; 2o le réel est systématique, c’est-à-dire que le monde réel est un monde rationnellement lié, de sorte que la garantie de la vérité d’une pensée est son incorporation dans un système de pensées. De ces deux thèses résulte la constatation d’une unité formelle des pensées correspondante à l’unité réelle de la nature. Ce qui est un dans la pensée est aussi ce qui est un dans la nature. Or, ce qui fait l’unité de la pensée et l’unité des événements est ce qu’il y a de commun entre les pensées et entre les événements, c’est-à-dire l’uni-