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ANALYSES.j. pérez. Les abeilles.

tectural par le principe des transitions graduelles. Il leur refuse le pouvoir, par trop extraordinaire, de déterminer à volonté le sexe de l’œuf qui va être pondu (p. 42). Il n’accepte ni l’infaillibilité, ni la détermination absolues de l’instinct : et sur ce point il réfute avec succès, en reprenant quelques-unes de ses expériences, la théorie de Fabre, cet éminent et ingénieux naturaliste, qui a trop cédé à sa répugnance à trouver dans l’intellect de l’insecte les rudiments de l’intelligence humaine.

Combien de preuves que l’instinct n’est pas infaillible et absolument invariable ! Les ouvrières restent attachées à une mère épuisée et bourdonneuse, et massacrent la bonne femelle qu’on tente d’introduire dans la ruche (p. 48) ; la Leucopsis parasite insère un œuf là où il n’avait que faire et où l’attend une perte inévitable (p. 243), etc. D’autre part, on voit les bourdons perforer une fleur pour atteindre le nectar, puis l’abeille profiter du trou ouvert par le bourdon et s’habituer à ce genre de visite (p. 124) ; on voit les Osmies varier leur mode de nidification selon l’espace qui leur est offert (p. 187), la Mégachile réparer son nid que l’observateur est venu déranger (p. 219) ; le Chalicodome répéter, contrairement à l’opinion de Fabre, l’acte de l’instinct après la sortie de la cellule (voy. p. 235 et suiv.). Je passe d’autres exemples, qui suffisent à réfuter le finalisme à outrance, et nous doivent rendre prudents à juger de l’économie de la nature.

Un mot encore sur le parasitisme. Les abeilles parasites sont, pour M. P., des abeilles déviées. De même que les Psithyres, écrit-il, p. 257, sont des Bourdons modifiés, les Stélis sont des Anthidium déviés, ayant perdu leur brosse ventrale par suite du défaut d’usage… Pourquoi les Stélis, pourquoi les Psithyres ont-ils absolument l’organisation de leurs hôtes, à cette seule différence près, que le parasite est dénué d’instruments de travail ? Ne pourraient-ils donc être parasites au même titre, tout en ne ressemblant en rien au travailleur qui les héberge ? À ces questions, le partisan de l’immutabilité des espèces demeure forcément bouche close. Or, entre la théorie qui explique et celle qui n’explique pas, il n’y a point à hésiter. »

Je termine, sur cette profession de foi, l’examen du livre de M. P., que je suis loin d’avoir épuisé, et où il me resterait à louer au moins la parfaite clarté de l’exposition et le charme du langage.

Lucien Arréat.

Bernard Bosanquet. — Logic or the morphology of knowledge. 2 vol.  in-8o, xvii-398 ; 240 p.. Oxford. Clarendon Press, 1888.

M. Bosanquet, après avoir traduit le Système de philosophie de Lotze et nous avoir donné une critique raisonnée des Principes de logique de M. Bradley, dont j’ai rendu compte ici il y a trois ans (novembre 1885), nous offre maintenant une théorie logique complète. Il lui a paru qu’après les nombreux volumes consacrés à traiter