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ANALYSES.j. pérez. Les abeilles.

nouveaux, il a su être original dans sa critique, et bien des choses se trouvent dans ce volume qui intéressent la psychologie. Je dois me borner à en donner de courtes indications, selon un ordre qui ne pouvait être, bien entendu, celui de l’auteur[1].

Prenons d’abord les perceptions. Les yeux composés de l’abeille (en laissant les ocelles de côté) seraient propres à percevoir les déplacements d’un corps dans le champ de la vision ; ils ne recevraient que des images assez vagues de la forme et du contour des objets. L’olfaction (par les antennes) serait très vive ; la sensibilité tactile fort délicate : les abeilles percevraient aussi par leurs antennes les plus faibles ébranlements de l’air. Le goût existe chez elles, à n’en pas douter ; mais elles paraissent totalement privées de la faculté de percevoir les sons.

Leur avidité sans mesure pour le miel fait les abeilles trop souvent pillardes, ravageuses même du couvain (p. 68 et 84) : on pourrait écrire un joli chapitre sur la criminalité chez les hyménoptères. Les odeurs ont une grande importance dans la biologie des insectes. L’odorat expliquerait peut-être, selon M. P., la conduite singulière de l’Anthophore nidifiante que l’on voit fuir quelquefois, quoique mieux armée, devant la Mélecte parasite : le nidifiant serait mis en fuite par quelque odeur désagréable pour lui, répandue par le parasite, « odeur qui pourrait, à certains moments, ne pas s’exhaler ou se trouver épuisée » (p. 225). Il faudrait recueillir nombre d’observations de ce genre, qui permettraient de rapporter les actes de l’insecte à la nature de ses rapports avec le monde extérieur.

Passons à la vie sentimentale, si tant est que le mot convienne à propos d’insectes. Natura maxima in minimis. La vie sexuelle est ici d’une importance capitale. Je relaterai d’abord une observation originale de M. P., concernant l’Andrène (un genre solitaire) stylopisée, c’est-à-dire épuisée par le parasite qui s’est nourri à ses dépens. Elle est devenue stérile ; « aussi ne la voit-on pas, écrit l’auteur, creuser des galeries, ni butiner sur les fleurs, autrement que pour y puiser sa propre nourriture. Incapable de procréer, elle n’a aucun des instincts de la maternité. Elle ne sait ni fouir le sol, ni fabriquer des cellules, ni les approvisionner. Les brosses d’une Andrène stylopisée sont toujours nettes, jamais chargées de pollen (p. 276). »

Je n’ai pas à rappeler les faits connus : l’existence, chez les abeilles, de la parthénogenèse, ou mode de génération par les vierges ; la promenade nuptiale, pendant laquelle la jeune reine s’accouple au mâle qui la féconde, et fait provision du liquide séminal ; le croisement du sexe et la marque mâle de l’œuf non arrosé ; la vie paresseuse du mâle, dont la fécondation est l’unique emploi ; le départ du rôle de pondeuse à la

  1. Telle est, en gros, la distribution du livre : Organisation générale et fonctions des abeilles ; leur classification ; apides sociales ; apides solitaires : andrénides (acutilingues, obtusilingues) ; fleurs et abeilles.