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La science peut certainement, elle doit même, pour son progrès, envisager les conséquences des déductions dogmatiques ; elle n’en doit pas moins s’interdire à tout jamais d’en accepter les principes comme nécessaires.

Rien ne nous prouve d’ailleurs qu’en réalité le monde soit logiquement explicable ; nous devons sans aucun doute chercher à réduire au minimum les difficultés que présente cette explication, et, à ce point de vue, des tentatives comme celles de M. Yarkovski sont toujours dignes d’intérêt ; mais, en somme, il est très possible que le problème, posé comme il le fait, ne soit pas susceptible de solution.

Je voudrais faire une autre remarque générale sur les tentatives de ce genre ; aussi bien que la théorie de l’entropie de Clausius qui n’est, elle aussi, que très insuffisamment fondée sur l’expérience, elles aboutissent à nous prédire des bouleversements plus ou moins complets, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Notre système gagne ou perd en chaleur ; l’équilibre, qui est cependant, en fait, ce que nous observons, semble impossible.

On nous explique donc comment le monde s’est formé, comment il périra, alors que nous ne savons rien, expérimentalement, de sa lointaine naissance, de sa future destruction ; on ne nous explique pas comment il subsiste, et c’est là cependant le véritable objet de la science.

En ramenant la question à ses éléments logiques, on ne peut éviter cette conséquence ; partant d’un état qu’on considère dogmatiquement comme simple, on arrive, plus ou moins bien, à expliquer la formation de l’ensemble complexe que nous observons ; mais le jeu des mêmes phénomènes doit nécessairement amener la destruction de cet ensemble ; c’est la loi du rythme, comme l’a appelée Spencer.

Il nous semble qu’une nouvelle voie mériterait de tenter les penseurs ; il faudrait se contenter de partir seulement des grandes lois constatées par l’expérience, sans prétendre pénétrer plus loin, et examiner si ces lois permettent d’expliquer l’équilibre actuel, ou jusqu’à quel point il peut être considéré comme définitif. Quand je parle d’ailleurs d’une nouvelle voie, c’est relativement aux tendances actuelles ; car il ne s’agirait que de revenir à l’ordre d’idées qui dominait auparavant dans la science, et qui a été ébranlé par les conséquences de la théorie thermo-dynamique, telle qu’elle a été constituée. Sur la valeur de ces conséquences, je partage au reste entièrement, ainsi que je l’ai déjà indiqué, l’opinion de M. Yarkovski, mais, pour revenir sur ce sujet, je prendrai une autre occasion.

Paul Tannery.

J. Pérez. Les Abeilles. Paris, Hachette, 1889, 348 p.. in-16.

Quoique cet ouvrage appartienne à une bibliothèque de vulgarisation, on peut dire qu’il est un livre de fonds. M. Perez a apporté quelques faits