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dans la direction de la ligne de leurs centres de gravité, leur énergie cinétique se transforme en énergie potentielle.

Cette hypothèse, nécessaire pour concilier la loi de la conservation de l’énergie avec la conception des atomes comme absolument durs, veut dire qu’en réalité les deux atomes qui se sont choqués s’arrêtent l’un sur l’autre ; leur énergie ou force vive semble donc annulée ; mais dès qu’une cause quelconque, comme un nouveau choc, les sépare, ils reprendront leur mouvement comme il était avant leur arrêt réciproque.

Cela posé, M. Yarkovski explique comment l’inégale répartition de l’énergie dans le chaos primitif des atomes suffit à créer des centres d’attraction et de condensation de la matière. Cette condensation peut aller jusqu’au contact, comme on l’a vu, et il se forme ainsi des agrégats d’atomes qui possèdent une énergie potentielle considérable et se constituent sous des formes cristallines régulières. Ce serait là l’origine des molécules chimiques.

L’auteur explique ensuite, tout en faisant ressortir un certain nombre de difficultés des théories actuelles, comment les astres se sont constitués et comment ils s’attirent réciproquement. Cette attraction n’est que la résultante d’un flux continuel de la matière spatiale vers les centres d’attraction. De ce flux résulte d’ailleurs que les astres ont une tendance (jusqu’à certaines limites) à grossir et à s’échauffer, la chaleur de chacun d’eux devant se trouver en rapport avec son volume. Ainsi la différence des nouvelles mesures de degrés du méridien avec celles du siècle dernier suffirait à prouver que notre terre elle-même augmente de volume, tandis que son centre est un foyer où s’élaborent sans cesse de nouvelles matières chimiques.

M. Yarkovski donne, dans son système, une ingénieuse explication du fait que l’on peut considérer comme sans effet la résistance du milieu planétaire au mouvement des astres. Il admet une force répulsive des rayons solaires, parle des queues des comètes, du magnétisme terrestre, des aurores boréales, de la lumière zodiacale, de la distribution des taches solaires, montrant partout que sa théorie s’accorde avec les faits. Il se résume et conclut en réfutant l’opinion de Clausius sur la fin du monde par l’équilibre des températures. Il est clair au reste que, si M. Yarkovski est dans le vrai, nous avons plutôt à craindre, pour nos petits-neveux, un excès de chaud qu’un excès de froid.

Son système offre de singuliers rapports avec celui d’un ingénieur français, M. Tissot, dont j’ai analysé l’ouvrage ici même[1], il y a quelques années. Mais je n’ai pas à le discuter dans le détail, je voudrais seulement montrer que le point de départ de M. Yarkovski est inacceptable à mon sens. Il nous prouve, une fois de plus, qu’avec un petit nombre d’éléments.

  1. Tissot, Essai de philosophie naturelle ; voir Revue philosophique, XII, p. 302.