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voit, disons-nous, que ces individus donnent aux barres des T tous les caractères de la vigueur qui devraient indiquer le maximum de développement de la volonté. Il y a longtemps que nous avons fait cette remarque, et nous proposions précisément de substituer au terme volonté celui d’impulsivité, qui nous paraissait traduire beaucoup plus exactement la forme d’activité psychique dont il s’agit ici. Nous avons donc constaté avec plaisir que M. Helot et M. Crépieux-Jamin ont retiré aux barres du T cette spécialité de caractériser la volonté, ayant remarqué aussi que des gens, médiocrement doués au point de vue volontaire, faisaient souvent des barres exagérées. Il s’agit ici en effet d’une forme spéciale de la détente nerveuse, qui n’a rien de commun avec la volonté proprement dite, considérée en tant qu’activité psychique consciente. L’étude de l’écriture chez les hystériques et les hypnotisés, la recherche des modifications qu’elle présente sous l’influence des agents dynamogènes ou inhibiteurs, trouveraient ici leur place et, suivant la méthode expérimentale que nous réclamons pour la graphologie, apporterait assurément quelque lumière sur cette notion encore si obscure de la volonté et sur ses caractères graphiques.

Nous aurions encore beaucoup à dire à propos du sens esthétique et de ses signes graphiques, et aussi à propos des signes du sexe. Mais, forcé de nous limiter, nous nous bornerons à mentionner d’intéressantes additions faites par M. Crépieux-Jamin à sa première édition. L’une consiste en un curieux essai de statistique psychologique par la graphologie. L’auteur a examiné l’écriture de 3,000 individus et, suivant les règles qu’il donne dans le cours de son ouvrage, il a trouvé un bon sens plus ou moins éclairé chez 13 sur 100 ; un jugement médiocre chez 74, 4 sur 100 et un jugement nul chez 14, 2 sur 100. De même, ayant examiné comparativement les écritures de 3,000 femmes et de 3,000 hommes, l’auteur a trouvé que, chez 160 femmes, la raison dominait ; que 537 avaient une sensibilité modérée ; que 2,208 étaient très sensibles, capables de passion, et que 195 avaient une sensibilité maladive.

Par contre, la raison dominait chez 642 hommes ; 1930 avaient une sensibilité modérée ; 324 étaient passionnés et 10% avaient une sensibilité maladive. Ce sont là des résultats assez sages, à propos desquels, cependant, on dira peut-être qu’il n’était pas besoin, pour y arriver, d’être graphologue.

Signalons aussi un nouveau chapitre sur l’écriture des malades et l’écriture des fous. Il y a certes beaucoup à faire sur ce terrain, qui appartient aux médecins. L’auteur a peut-être trop montré qu’il ne l’était pas, mais les documents qu’il a réunis sont cependant bien choisis et curieux à étudier. L’abus des majuscules et l’abondante diversité des caractères employés y sont bien notés comme caractéristiques de certaines formes de folie.

En somme, et malgré toutes ces critiques, le traité de graphologie de M. Crépieux-Jamin est l’ouvrage le plus précis qui existe actuellement sur la matière, et c’est à lui que nous adresserons tous les lecteurs qui