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ANALYSES.crépieux-jamin. L’écriture et le caractère.

Aussi est-ce plutôt par la forme que par le fond que l’ouvrage de M. Crépieux-Jamin se distingue des précédents et qu’il est supérieur à sa première édition. En effet, nous devons reconnaître que l’auteur a fait de visibles efforts pour introduire dans les classifications si vagues, si peu logiques des graphologues, un peu de méthode et de précision. Ainsi les signes graphiques y sont étudiés et groupés sous les rubriques de supériorité et infériorité, nature et moyens de l’intelligence, caractère moral (mœurs et sentiments), volonté, sens esthétique, âge, sexe, signes pathologiques.

Le premier groupe, qui comprend les signes de la supériorité et de l’infériorité (l’auteur ne nous dit pas d’une manière précise de quelle supériorité il s’agit), témoigne d’un essai de synthèse très louable, d’un ensemble de caractères généraux. La réunion des signes des sentiments et des mœurs est moins heureuse, surtout si l’on suit l’auteur dans toutes les formes du caractère qu’il admet et qu’il associe pour définir les résultantes qui, en réalité, constituent les diverses manières d’être, toujours très complexes. Nous ne saurions trop en vouloir à M. Crépieux-Jamin de la faiblesse de toute cette partie, dont sont assurément responsables l’état insuffisant de l’étude psychologique du caractère, qui est vraiment presque tout entière à faire, et l’indécision de la terminologie qui en résulte. M. Azam, cependant, a dernièrement esquissé cette étude d’une façon assez élégante, et les graphologues feraient bien de s’inspirer des définitions de cet auteur, et de les prendre comme point de départ[1].

L’insuffisance d’une bonne définition se fait surtout sentir quand il s’agit de la volonté, Si. d’une façon générale, et selon les conceptions de la psychologie physiologique, on considère la volonté comme étant la tendance consciente de l’idée à se transformer en acte, il en résulte que les individus considérés comme n’ayant aucune volonté, c’est-à-dire changeant de résolution au gré du vent, sont cependant parfois ceux qui ont la volonté la plus énergique. Au contraire, le langage courant accorde beaucoup de volonté à ces gens qui, sans grand effort, finissent à la longue par réaliser leurs projets, et chez lesquels, en somme, l’impulsion à l’acte, si elle est persistante, est en réalité peu énergique. Or, voici ce qui est arrivé en graphologie : les graphologues, jusqu’à ce jour, donnaient tous, avec un parfait ensemble, les fameuses barres du T comme étant les caractéristiques de la volonté, sous toutes ses formes et avec toutes ses nuances. C’était une erreur grossière, nous n’oserions pas dire d’observation, mais de définition ou du moins d’analyse psychologique. En effet, en y regardant de près, on voit que les individus dont nous parlons, et qui subissent des impulsions très vives devant lesquelles tout doit céder sur l’instant, mais qu’un rien détourne de leurs projets, et qui prennent le vent, d’où qu’il vienne, on

  1. Le caractère dans la santé et dans la maladie, brochure in-8o de 218 p., chez F. Alcan, 1887.