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une analyse a été faite ici même il y a bientôt trois ans et demi[1]. Il n’y aurait donc pas lieu à une nouvelle présentation si, d’une part, les modifications apportées dans le plan général de l’ouvrage et le développement des matières ne justifiaient une nouvelle mention, et si, d’autre part, cette causerie ne devait nous fournir une occasion favorable de dire quelques mots des progrès et de l’état actuel de la graphologie.

Au point de vue des progrès réalisés par l’étude et la connaissance de l’écriture dans ses rapports avec les formes de l’activité psychique (telle devrait être en effet la définition de la graphologie), la lecture du livre de M. Crépieux-Jamin laisse une impression assez médiocre. Nous y trouvons bien la description de quelques traits graphiques nouveaux et l’interprétation originale de quelques traits connus ; mais nulle part nous n’avons rencontré des considérations générales, des vues d’ensemble reliant entre eux tous ces détails juxtaposés, montrant comme ils se tiennent, se modifient, se transforment, esquissant en somme, dans un essai de synthèse, cette science véritable que la graphologie voudrait être. La faute en est à la méthode que les premiers graphologues ont suivie, et dont M. Crépieux-Jamin, tout en la blâmant, n’a pas su s’affranchir. Cette méthode purement empirique, et fort acceptable au début, puisque toutes les connaissances commencent par être empiriques, consiste, comme on le sait, à noter un trait caractéristique dans l’écriture des personnes qui ont quelque particularité psychique dominante, et à faire de ce trait le signe graphique de la particularité en question. Évidemment, le rapport entre les deux éléments sera d’autant plus probable que le nombre des observations aura été plus considérable, et étant donné le nombre des observateurs qui ont contrôlé l’exactitude de quelques-unes de ces caractéristiques graphiques, on pourrait admettre certaines données de la graphologie comme absolument acquises. Toutefois, pour quiconque a éprouvé avec quelle difficulté on arrive à mettre une étiquette sur la forme de l’intelligence, de la sensibilité ou du caractère de telle ou telle personne, et combien mal d’ailleurs se prête notre terminologie, encore bien vague, à des déterminations aussi précises, il est manifeste que la graphologie manque encore d’un contrôle absolument indispensable pour mériter la confiance qu’elle prétend inspirer.

Ce contrôle, c’est la méthode expérimentale seule qui peut le fournir. M. Crépieux-Jamin a bien relaté, dans l’introduction de son livre, quelques expériences faites sur des hypnotisés, expériences qui ont démontré que les modifications de la personnalité comportaient des modifications parallèles de l’écriture et que ces modifications étaient précisément conformes aux données de la graphologie empirique ; mais il fallait voir dans ces essais l’indication d’une nouvelle méthode à appliquer à la totalité de ces données, et ne pas se contenter d’y chercher seulement une confirmation suffisante de tous les résultats acquis ou à acquérir suivant les vieux errements.

  1. Voyez Revue philosophique de novembre 1885, p. 529.