Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/633

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
623
ANALYSES.p. dubuc. La méthode en métaphysique.

ou la perfection. L’idée de perfection existe dans notre esprit, cette idée est-elle contradictoire ? C’est ce que la critique va nous apprendre. Or, Leibniz a admirablement montré comment l’idée de perfection ne renfermait aucune contradiction et était même, si l’on peut dire ainsi, le plus possible des possibles.

Ainsi donc l’analyse critique nous donne d’une part la notion de l’absolu ou de l’être par soi, d’autre part la notion de perfection. Si ces deux notions pouvaient être synthétiquement unies, nous aurions établi du même coup et l’existence de la perfection et l’essence de l’absolu, nous aurions répondu aux deux plus essentielles questions de la théologie métaphysique, nous saurions que Dieu est et ce qu’il est (p. 245).

M. Vacherot a soutenu que la réalité s’oppose à la perfection, que la notion de l’absolu ou de l’être par soi s’oppose à la notion de la perfection, que le parfait ne peut être réel. Mais, loin de s’opposer l’une à l’autre, la notion de l’absolu et celle du parfait coexistent à la fois dans la raison, bien plus, elles s’attirent et se joignent l’une l’autre de manière à ne former qu’une seule synthétique représentation. Ainsi l’absolu est parfait et le parfait est absolu.

M. Dubuc arrive ainsi à la conclusion même du théisme spiritualiste, mais il soutient que la méthode qu’il adopte est légitime, tandis que celle du spiritualisme ne l’est pas. Le spiritualisme croit prouver l’existence de Dieu par l’argument ontologique, définitivement condamné par Kant ; la preuve cosmologique n’est qu’une sophistication illusoire de la preuve ontologique. Enfin le théisme spiritualiste n’est et ne peut être qu’anthropologique et dès lors aboutit à un symbolisme illégitime. La méthode critique au contraire ne faisant qu’analyser d’abord, puis synthétiser des données a priori de la raison, ne peut prêter le flanc aux mêmes objections.

Cependant M. Dubuc reconnaît que pour se représenter la nature de Dieu nous ne pouvons suivre une autre voie que celle du spiritualisme. Nous devons donc ici avoir recours à un symbolisme, mais ce symbolisme est légitime comme ceux auxquels toutes les sciences sont obligées d’avoir recours. La méthode critique possède dans les deux idées de l’absolu et du parfait un critérium assuré qui manquait à la méthode subjective et qui permet de reconnaître les notions empruntées à l’expérience qui pourront légitimement servir à construire le symbole de la divinité. Les notions expérimentales qui s’accordent avec ces idées peuvent entrer dans le symbole, les autres doivent en être impitoyablement exclues.

Mais la critique nous montre que la pensée n’a pas seulement une forme, qu’elle renferme aussi une matière. Il faut donc admettre quelque chose d’extérieur au sujet. Nous sommes ainsi amenés à reconnaître l’existence d’un monde externe. Quant à l’essence de ce monde objectif, le procédé critique se reconnaît impuissant à la connaître et à la déterminer. — Nous avons vu plus haut que la conscience suffisait à nous donner l’existence et la nature du moi. M. Dubuc croit donc pouvoir conclure que la méthode métaphysique est double, selon