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mencée en psychologie, grâce aux intuitions de la conscience réfléchie.

Le procédé critique fait de la raison « une faculté purement formelle dépourvue de tout caractère objectif » (p. 187). Ce point de vue, qui est celui de Kant, s’oppose à celui de la métaphysique dogmatique. Celle-ci croit que c’est l’objet qui impose au sujet ses qualités, la critique croit au contraire que le sujet porte en lui des principes régulateurs, qu’il peut découvrir par la réflexion. Cette réflexion est « l’acte suprême par lequel l’esprit, se repliant sur soi, pénètre son essence, indépendamment de tout objet et de toute donnée expérimentale » (p. 210). Ainsi tandis que le dogmatisme cherche avant tout à déterminer la matière de la connaissance, le criticisme se borne à considérer la forme et l’esprit découvre cette forme par la réflexion. Il semble bien que, en conséquence même de l’hypothèse du criticisme, cette forme de la connaissance doive toujours rester vide de tout contenu et par suite que la critique doive aboutir à la destruction de toute métaphysique. C’est ainsi que l’avait entendu Kant. M. Dubuc ne croit pas que ce soit là une conséquence nécessaire de la méthode critique. Si jusqu’à présent elle n’a servi qu’à détruire, c’est qu’on ne s’y est servi que de l’analyse ; si on y emploie la synthèse, on verra que non seulement elle est susceptible de fonder et d’élever l’édifice métaphysique, mais même qu’elle est la seule méthode capable de le construire indestructible et définitif.

« Ce sont là de belles espérances dont il faut s’enchanter soi-même », comme dit Socrate dans le Phédon. Avant de les satisfaire, M. Dubuc tient à nous montrer à l’œuvre la puissance destructive du procédé critique et il nous résume la discussion où Hamilton exorcise le fantôme de l’absolu. On sait que cet « exorcisme » se ramène à la démonstration de l’inconcevabilité de l’absolu tirée de l’impossibilité où se trouve la pensée de concevoir quoi que ce soit sans le conditionner aussitôt. — Mais, remarque M. Dubuc, M. H. Spencer lui-même reconnaît qu’il n’est pas plus possible à la pensée de se passer de l’absolu que d’en posséder une conception adéquate, et le philosophe anglais conclut à l’existence de l’absolu, bien qu’il déclare aussitôt que son essence est inconnaissable.

Ainsi l’analyse critique de la notion d’absolu aboutit à trois doctrines différentes : au nominalisme pur de Hamilton, au conceptualisme de Kant, au réalisme agnostique de M. H. Spencer. La méthode critique peut donc arriver à une solution sur la question de l’existence de l’absolu. Pour choisir entre ces trois hypothèses on n’aura qu’à user de « la sagacité et de l’impartialité psychologique » qui montrera qu’elle est celle des trois qui, « mise en regard de la chose à expliquer, en rend compte de la manière la plus satisfaisante et la plus complète » (p. 234).

La méthode critique peut-elle aussi nous suggérer des hypothèses sur l’essence de l’absolu ? Non, si on détermine l’absolu par l’infinité qui est une pure notion négative ; oui, si on le détermine par la qualité