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les influences de la littérature juive, soit de l’Ancien Testament, ce qui a été accordé de tout temps, soit de la littérateure apocryphe et pseudépigraphique des environs du christianisme, comme on l’a reconnu depuis quelque temps déjà.

Nous éprouvons un réel embarras quand nous nous trouvons en présence d’œuvres aussi importantes que la Métaphysique de M. Théodore Weber avec ce sous-titre : Essai pour établir scientifiquement l’ontologie du christianisme positif, vol.  Ier : Introduction et Anthropologie[1]. Il vaudrait la peine de les analyser et de les discuter ; mais, avant de les analyser, il faudrait les introduire devant le public français, c’est-à-dire exposer l’ensemble d’idées et de préoccupations, spéciales à la théologie protestante de l’Allemagne, auxquelles elles répondent. Or les études de philosophie religieuse ne sont pas représentées en France ; elles ne font nulle part l’objet d’un enseignement, sinon dans les facultés de théologie protestante où elles sont enseignées à un point de vue pratique. Dans ces conditions, on est réduit à les signaler à l’attention et à déplorer que notre pays continue de rester obstinément fermé à une discipline si brillamment représentée en Allemagne. Nous ferons la même réflexion à propos d’une brochure substantielle consacrée par M. Veeck à l’Exposition de la philosophie religieuse de Trendelenburg[2]. Disons cependant que M. Weber s’est proposé dans sa Métaphysique de combattre l’idée trop volontiers admise que « la conception chrétienne de Dieu et du monde est dépassée et que sa fausseté a été démontrée ». C’est une œuvre de longue haleine, où l’auteur fait preuve d’une connaissance très large des plus récents travaux de la philosophie. D’une note, qui a été jointe au présent volume, je me borne à extraire les lignes suivantes : « L’auteur se place constamment sur le terrain d’une libre recherche absolument indépendante ou de l’expérience, tant interne qu’externe. Tout ce qu’il allègue comme résultat de la science, il ne l’obtient qu’au moyen d’une théorie de la connaissance aussi solide que possible et soigneusement établie dans toutes ses parties essentielles. L’auteur, considérant le duel entamé entre la philosophie moderne, principalement appuyée sur les résultats des sciences naturelles, d’une part, le christianisme, de l’autre et le violent antagonisme des deux conceptions de l’univers qui se heurtent et aspirent à se supplanter, voudrait y mettre fin en assurant les droits respectifs de la science et de la religion.

Ce qui nous confirme dans l’opinion pessimiste que nous formulions à l’instant sur l’état des études de philosophie religieuse dans notre pays, c’est précisément une œuvre de haute valeur due à un écrivain d’un grand mérite, singulièrement apprécié des lecteurs de cette Revue et qui nous a été enlevé d’une manière bien tristement prématurée. C’est même cette circonstance douloureuse qui nous a décidé à

  1. In-8o, VIII et 427 pages.
  2. In-8o, 93 pages.