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trouver. D’un autre côté sans doute, on admet que le corps se dissout ; si la résurrection des corps est une croyance religieuse, elle ne fait que montrer le genre d’imagination concrète des esprits qui l’ont imposée aux autres. Mais, en dehors de l’Église, cette croyance ne parait pas très répandue.

Une des périodes intermédiaires de l’évolution qui a modifié l’idée de l’âme est bien indiquée par la croyance à la métempsycose, qui fut si répandue et dans laquelle l’âme est représentée comme indépendante d’un corps en particulier, puisqu’elle peut lui survivre, mais non pas comme absolument indépendante du corps en général, puisqu’elle ne quitte un corps que pour s’incarner dans un autre.

Chez les philosophes, chez les théoriciens, il ne parait pas que l’abstraction ait pu aller jusqu’au bout. Les philosophes de l’école spiritualiste ont fait de grands efforts pour bien distinguer le corps et l’âme. Est-il bien sûr qu’il ne reste rien de physique dans leur manière de concevoir l’âme ? et du reste leur entreprise pouvait-elle aboutir et n’était-elle pas condamnée d’avance ? Examinons d’abord la première question.

Si les philosophes spiritualistes sont tous convaincus du fait même de l’immortalité de l’âme, ils sont très réservés quand il s’agit de donner des détails sur la nature de la vie future. Cependant il semble, malgré la prudence des auteurs, malgré leur habitude de manier des abstractions, je dirais malgré l’élévation de la pensée, s’il était prouvé que l’esprit pur pût être conçu d’abord et ensuite considéré comme forcément supérieur à la matière, — il semble que tout élément matériel et concret n’a pas disparu de leur imagination. Chez eux encore je crois retrouver, à côté de l’idée de l’âme distincte du corps, quelques restes de la conception primitive, du double ; il reste encore quelques lambeaux d’organisme attachés à cette âme, et tous leurs soins n’ont pu que débarrasser leur idée de la plus grande partie des conceptions hétérogènes qui faisaient sans doute sa faiblesse logique, mais qui faisaient peut-être aussi sa force psychologique en la rendant plus facile à concevoir, et plus capable d’éveiller les sentiments. La cause de ce qui me semble un reste de matérialisme chez les spiritualistes, c’est leur volonté de conserver non pas seulement l’existence de la substance comme le panthéiste, mais encore de faire survivre l’identité de l’homme. Et il est bien difficile, pour dire en quoi consiste l’identité, de ne rien emprunter à la vie corporelle. « Un être, dit M. Franck, dont les seuls attributs sont l’unité et cette identité vague, qui n’est que la continuité de l’existence, ce n’est pas moi, ce n’est pas ma personne, ni aucune autre personne humaine ; c’est une abstraction, c’est la substance de