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REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

partie de son important ouvrage, ce que nous disions ici même, il y a trois ans, de la première : En un travail qui touche à tant et de si gros problèmes, il est impossible qu’il ne se produise, pas de nombreuses divergences dans l’appréciation des faits ; mais les critiques impartiaux loueront l’esprit d’indépendance et le souci d’une information à la fois abondante et précise dont l’auteur a su faire preuve dans une entreprise aussi longue et aussi difficile. Assurément l’on pourra discuter la question de savoir s’il y a réellement une philosophie chrétienne, ou s’il n’y en aurait pas plusieurs, selon les époques, les écoles et les auteurs. Un des critiques de M. Labanca lui reproche précisément d’avoir déclaré que la philosophie chrétienne était celle des pères de l’Église et de la scolastique et de ne s’être occupé que de celle-là et non point, par exemple, de celle d’un Schleiermacher ou d’un Channing. La remarque peut être fondée dans une certaine mesure et elle l’est assurément quand un écrivain se propose d’examiner si la philosophie chrétienne est appelée à conserver son empire sur les esprits, soit sous sa forme ancienne, soit sous l’aspect que les théologiens modernes préfèrent lui donner. Cependant ce serait rendre impossible la tâche du philosophe de lui dénier la faculté de considérer comme ayant la valeur d’un type la doctrine ecclésiastique, et c’est aller trop loin de déclarer que celle-là n’est qu’une des philosophies qui se sont réclamées du titre de chrétiennes et qu’on peut en conséquence lui dénier la place d’honneur à laquelle elle aspire[1].

C’est à Naples que M. Chiappelli a prononcé une leçon publique destinée à inaugurer l’exercice académique 1887-1888 sur les Idées millénaires des chrétiens. Cette leçon a reçu d’importants compléments et forme aujourd’hui une forte brochure[2]. On y trouve un exposé, solide et établi avec compétence, de l’histoire des idées messianiques et millénaires depuis leurs origines dans le prophétisme juif jusqu’au moyen âge, et une rapide esquisse de ces mêmes croyances jusqu’à nos jours. Nous signalerons également un mémoire de M. Michele Jetti lu à l’Académie théologico-philosophique de Saint-Thomas d’Aquin à Naples et intitulé : l’Infini dans la psychologie religieuse de Max Müller[3]. Curieux rapprochement que celui de ces deux noms, le grand théologien philosophe du moyen âge, remis en honneur par le zèle pieux du successeur de saint Pierre, et l’ingénieux et fécond mythologue, chez lequel la subtilité germanique s’allie au sens pra-

  1. L’ouvrage de M. Labanca a provoqué quelque polémique et nous en avons l’écho dans une brochure intitulée : La filosofia cristiana nel convito di Baldassare. La discussion est vive et l’auteur, M. L. M. Billia, y fait preuve d’un savoir étendu. M. Labanca a extrait de la Revue de philosophie scientifique (en italien) une revue des récentes publications d’histoire et de philosophie religieuses analogue à celles que nous publions ici ; il veut bien y consacrer un examen approfondi à mes dernières publications, ce à quoi je suis très sensible.
  2. In-8o, 59 pages.
  3. In-8o, 62 pages.