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et les solutions qu’elle propose pour quelques-uns des principaux problèmes philosophiques. Les trois derniers chapitres nous montrent la philosophie chrétienne dans ses rapports avec la science antique, pendant sa période de croissance et dans ses rapports avec la philosophie moderne, pendant sa période de déclin. Chaque fois, l’auteur fait passer devant les yeux du lecteur les opinions et les doctrines des principaux pères de l’Église et des docteurs scolastiques. Les thèses qui se dégagent de ces études peuvent se résumer de la façon suivante : la pensée scientifique est le passage de la foi au doute et du doute à la connaissance rationnelle : la philosophie chrétienne procède directement de la foi à la connaissance ; elle a un caractère dogmatique ou mystique. Elle s’est débattue constamment entre les deux obligations inconciliables de ne rien enseigner qui fût contraire à la foi et de se conformer néanmoins aux affirmations générales de la philosophie non chrétienne. De là le caractère incertain de sa détermination. Ses limites chronologiques ne sont pas moins difficiles à fixer ; elle a la prétention d’être de tous les temps et, de fait, elle n’appartient en propre à aucune époque. Ses rapports avec la théologie sont également incertains ; en réalité, elle rentre tout entière dans la théologie. Le problème essentiel de la philosophie chrétienne a toujours été de déterminer les rapports de la révélation et de la raison et les solutions ont varié suivant les écoles. Les mêmes divergences éclatent dans la théodicée et dans l’énoncé des moyens qui permettent de connaître Dieu. La philosophie chrétienne, en effet, a été éclectique. La première cause de sa décadence a été l’affaiblissement de l’organisme ecclésiastique. Le scepticisme accompagnant souvent le mysticisme, les abus du formalisme scolastique, le mépris de la réalité historique ont été, à leur tour, autant d’éléments de dissolution au sein de la philosophie chrétienne. Avec la Renaissance, le doute reprend ses droits et la tolérance religieuse fait son apparition. La Réformation, œuvre nécessaire, se débat entre les principes contradictoires d’une religion individuelle, libre, fondée sur l’étude de la Bible, et d’une philosophie qui conteste les droits de la raison. La philosophie moderne, inaugurée à la Renaissance, définitivement constituée avec Bacon, Descartes et Spinoza, suit trois directions principales : elle est empirique, rationaliste ou historique. Elle s’est complètement émancipée de la philosophie chrétienne ; d’abord elle ne lui a témoigné que de l’indifférence ; aux xviie et xviiie siècle elle l’a attaquée ; aujourd’hui elle cherche à s’assimiler les éléments historiques et positifs que cette philosophie chrétienne renferme.

On voit par cette seule analyse que M. Labanca s’est proposé un programme singulièrement ample et je signale avec plaisir dans son livre une preuve du progrès que font en Italie les études d’histoire et de philosophie religieuses. Il est à noter que M. Labanca, ainsi que la plupart de ses compatriotes, met le plus grand zèle à dépouiller les œuvres des écoles allemandes et françaises. Nous dirons de la seconde