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matière de l’instruction religieuse donnée à la communauté, ont reçu une forme définitive par leur mise par écrit et par la réunion des différentes rédactions qui avaient paru mériter d’être conservées à la postérité. Le travail d’assemblage et de combinaison s’est fait plutôt avec le souci de ne rien laisser perdre que d’aplanir ou de faire disparaître d’inévitables dissonances. Le fait capital que le Pentateuque est destiné à mettre en lumière, la merveilleuse protection de la divinité conduisant les siens à travers mille épreuves à la possession paisible du pays de Chanaan, ressort, en effet, avec une éloquence irrésistible en dépit de l’enchevêtrement et de la surcharge qui se remarquent en maint endroit.

L’exposé que fait M. Westphal de l’histoire des travaux consacrés par la critique à l’examen du Pentateuque, est établi avec autant de soin que de compétence. C’est un complément très utile aux renseignements que M. Reuss a déjà rassemblés sur ce même objet dans son grand ouvrage sur la Bible. Le jeune exégète a ainsi divisé son sujet : Première partie, la tradition ; deuxième partie, les Précurseurs de la critique ; troisième partie, la Critique. Cette partie, de beaucoup la plus développée, comprend quatre chapitres : I. L’hypothèse des sources. II. L’hypothèse des fragments. III. L’hypothèse des compléments. IV. Retour à l’hypothèse des sources. M. Westphal a utilement complété son travail en donnant la traduction d’un certain nombre de morceaux qui permettent de comparer le caractère différent des sources du Pentateuque.

M. Baethgen qui appartient, lui aussi, aux cercles conservateurs de la théologie protestante, s’est proposé dans ses études sur l’histoire des religions sémitiques de comparer le Dieu d’Israël et les dieux des païens[1]. C’est une œuvre consciencieuse, méthodique, dans laquelle il y a beaucoup à louer, mais qui appelle cependant d’assez importantes réserves.

M. Baethgen expose en premier lieu le panthéon des Sémites païens, à savoir les Iduméens, Moabites, Ammonites, Phéniciens, Araméens, Arabes et Himyarites. Tous ces peuples sont polythéistes et l’auteur énumère toutes les indications à cet égard, notamment celles qui proviennent des découvertes récemment accomplies sur le terrain de l’épigraphie. Un second chapitre est consacré à rechercher si l’on a été fondé à imputer aux Israélites un polythéisme primitif, dont la Bible aurait conservé les traces. La conclusion de l’auteur est négative ; il rejette catégoriquement les assertions qui sont aujourd’hui en faveur et que défendent d’éminents exégètes, assertions d’après lesquelles le monothéisme spiritualiste de l’époque prophétique serait issu lui-même d’un premier état où l’on remarquerait à la fois des pratiques matérialistes et l’idée de la pluralité divine. Enfin, en troisième lieu, l’auteur entreprend de retracer l’évolution religieuse comparative des Sémites païens et des Israélites.

  1. In-8o, 316 pages