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de demander aux non civilisés contemporains de nous instruire sur les débuts religieux de la Chine, de l’Inde ou de la Grèce, sous le prétexte que les lois du développement religieux exigent la progression suivante : naturisme, animisme, polythéisme, monothéisme, et que les sauvages de notre temps n’ont pas encore (?) dépassé la phase de l’animisme ou du naturisme. Je relève ici dans les critiques de M. de Harlez une remarque très juste, dont il est aisé de faire l’application : « Les gens du peuple, parmi nous encore, se mettent peu en peine de concilier ce qu’on leur apprend de la nature divine avec leurs superstitions et les sorcelleries auxquelles ils ajoutent foi malgré tout. Nous les voyons plus souvent tentés d’attribuer aux saints qu’ils vénèrent une existence par soi et une puissance plus ou moins indépendante de Dieu. Le même phénomène a dû se produire en Chine avec une puissance bien autrement intense. Aussi devons-nous nous attendre à y trouver des idées contradictoires qui déroutent les esprits systématiques qui ne sont pas prêts à admettre les faits tels qu’ils sont. » Et M. de Harlez, au rebours de M. Réville, soutient que la plus ancienne religion chinoise nous met en présence d’un monothéisme, qui ne saurait toutefois être mis sur le même pied que celui des Hébreux.

Quelles que soient les réserves à faire sur des points de détail et quand même M. Réville aurait cédé à la tentation d’imposer aux faits sa théorie du développement religieux dans l’humanité, la Religion chinoise n’en est pas moins le fruit d’un dépouillement considérable, accompli avec une louable patience. C’est une œuvre de valeur, qui tiendra dignement sa place à côté des précédentes.

Le mot « allerlei » que M. Bastian a mis en tête de son dernier ouvrage[1], est une trouvaille pour désigner le genre littéraire très spécial adopté par l’infatigable ethnographe ; allerlei, cela signifie par-ci par-là, et c’est, en effet, comme on sait, dans le plus effroyable désordre que M. Bastian nous livre le résultat de ses vastes lectures.

Nous nommions tout à l’heure les Israélites ; voilà que nous voulons présenter à nos lecteurs un intéressant travail sur le Pentateuque, autrement dit sur les livres de Moïse. En voici le titre exact : Les sources du Pentateuque, Étude de critique et d’histoire. I. Le problème, littéraire[2]. C’est là une œuvre de débutant, mais une œuvre qui se recommande par de sérieuses qualités. Quand quelques années auront passé sur la tête de M. Westphal, son ardeur un peu exubérante se sera apaisée ; il attachera moins d’importance à des distinctions subtiles qu’il croit appelées à renouveler le monde, et nous saluerons avec plaisir en lui, ce que nous faisons déjà, un exégète rompu aux difficultés de la critique biblique et se mouvant avec aisance dans le dédale de systèmes aussi contradictoires que successifs.

D’après M. Westphal, il s’est produit un regrettable divorce entre la

  1. 2 vol.  grand in-8o, cxx et 380 pages, xi et 512 pages, avec reproductions phototypiques et photolithographiques.
  2. In-8o, xxx et 319 pages.