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CALINON.les espaces géométriques

et demandons-nous si la légitimité de la définition de la ligne droite peut s’établir d’une façon exclusivement géométrique.

Supposons, d’une façon générale, qu’on nous donne a priori la définition de la première ligne géométrique, quelle que soit d’ailleurs cette première ligne ; essayons d’appliquer à cette définition la méthode géométrique, c’est-à-dire le raisonnement pur ou bien nous aboutirons à des contradictions et nous en conclurons que cette définition doit être rejetée, ou bien au contraire la déduction pourra être continuée aussi loin qu’on le voudra sans qu’on rencontre jamais de contradictions, et alors nous considérerons la définition comme justifiée et la géométrie qui en résulte comme légitime.

La géométrie, ainsi définie, car c’est là une véritable définition, n’a plus aucune base expérimentale ; elle consiste simplement dans l’application de la méthode dite géométrique à un groupe de formes (lignes ou surfaces) dont la première est soumise à cette seule condition de permettre l’application de cette méthode.

Comme nous le verrons plus loin, la géométrie ainsi comprise est une science plus générale que la géométrie des anciens.

II

Euclide paraît définir la ligne droite :

a. Une ligne telle que par deux points il n’en passe qu’une.

De telle sorte que si deux droites ont deux points communs elles coïncident et ne sont pas distinctes.

Arrivé à la théorie des parallèles, Euclide introduit son célèbre postulatum qui équivaut à la proposition suivante :

b. Par un point on ne peut mener à une droite qu’une parallèle.

Legendre a essayé inutilement de déduire la proposition b de la proposition a ; mais, depuis, d’autres géomètres ont montré que les deux propositions sont absolument indépendantes et que la seconde n’est pas une conséquence de la première. Ce point mis en évidence par les travaux de Lobatchefsky et de quelques autres auteurs a une importance capitale.

Il en résulte d’abord que, dans la géométrie euclidienne, ce sont les deux propositions a et b réunies qui forment la définition de la ligne droite et non pas seulement la première ; le postulatum d’Euclide, ainsi envisagé, perd son caractère un peu étrange et n’est plus que la seconde partie d’une définition divisée.

Nous ajouterons qu’il est possible d’unifier la définition de la droite euclidienne et de la condenser dans un seul énoncé[1].

  1. Voir à ce sujet notre Étude sur la sphère, déjà citée.