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MARILLIER.sur le mécanisme de l’attention

aisée et souvent très profonde ; il faut en effet qu’un état de conscience atteigne une extrême intensité pour déterminer des réactions émotionnelles capables de l’arrêter, de l’inhiber partiellement.

Ces quelques considérations font dès maintenant comprendre pourquoi je ne puis tracer aucune limite bien nette entre l’attention spontanée et l’attention que M. Ribot appelle volontaire ou artificielle. Je ferai remarquer tout d’abord qu’une volition est un résultat, comme l’attention même, qu’elle n’est point une cause, mais l’effet de l’action combinée des tendances motrices et des représentations qui coexistent dans un même esprit à un instant donné ; la place que tient l’attention dans le domaine représentatif, l’adaptation motrice dans le domaine moteur, cette place la volonté l’occupe dans cette région où viennent se rencontrer et réagir les uns sur les autres les instincts, les désirs et les représentations. Elle ne peut pas servir à expliquer up phénomène qui est de même ordre et si j’ose dire de même rang qu’elle-même. Ce sont du reste les idées que M. Ribot a exposées dans ses Maladies de la volonté et qu’il a rappelées brièvement et par allusion dans son dernier livre. Mais s’il est bien entendu qu’il n’existe pas, à côté des autres pouvoirs de l’esprit, un pouvoir distinct, la volonté, il semble inutile de séparer aussi profondément de l’attention spontanée, l’attention modifiée par l’influence de l’éducation et du milieu. Le mécanisme est le même dans les deux cas. Que ce soit par son intensité propre ou par celle des états de conscience qui lui sont associés, qu’une représentation devienne dominante, ce sera toujours en raison de sa quantité qu’elle réduira et inhibera partiellement les autres représentations. Les états de conscience sont en fait si étroitement liés les uns aux autres, que ce n’est jamais un état de conscience isolé qu’il faut considérer, mais tout le groupe dont il fait partie. Nous ne pouvons pas à notre gré faire varier l’intensité de nos représentations, comme semble l’affirmer M. Ribot (p. 37). Dire que nous choisissons un but, c’est dire qu’en raison de sa grandeur une représentation s’impose à nous. Si son intensité est telle que, d’emblée et sans lutte, elle s’installe au premier plan et s’assujetisse toutes les autres, l’attention sera spontanée. Si au contraire elle a à lutter contre des représentations antagoniques presque aussi puissantes qu’elle, l’attention ne s’établira que peu à peu, par degrés ; c’est par sa durée, par sa persistance plus encore que par sa grandeur, que cette image s’imposera à nous. Si la représentation est en conflit avec nos désirs, si par elle-même ou par les états de conscience auxquels elle est associée, elle est douloureuse ou désagréable, nous éprouverons un sentiment de déplaisir très vif, mais qui pourra se rencontrer tout aussi bien dans l’attention