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l’attention. » Il ne semble pas qu’il faille aller chercher plus loin ; si l’attention disparaît lorsque les lobes frontaux sont plus ou moins profondéments lésés, c’est que ces lésions déterminent un affaiblissement général de toutes les représentations, et qu’un certain degré d’intensité des idées et des images est, comme je l’ai montré plus haut, la condition indispensable de l’attention ; si ces lésions sont très étendues, la matière même de l’attention, les représentations, disparaissent de l’esprit ; il n’y a plus guère conscience que des sensations actuelles et des images qui leur sont très étroitement associées ; il ne faut donc pas s’étonner que l’attention devienne impossible.

Il faut remarquer enfin que les états morbides de l’attention ne sont pas liés d’ordinaire à des troubles moteurs. Le mécanisme de l’idée fixe, que l’on considère comme une attention maladivement agrandie, indéfiniment exagérée, diffère au reste en quelque mesure du mécanisme de l’attention véritable. L’idée fixe est habituellement une idée qui occupe sans cesse l’esprit, parce qu’elle est sans cesse évoquée par tous les états de conscience, parce qu’il n’en est aucun auquel elle ne soit étroitement associée ; elle est partie intégrante, si j’ose dire, de toutes les représentations. D’ordinaire ce n’est pas une idée, mais une classe, un groupe d’idées qui joue ce rôle (arithmomanie, etc.). Dès que l’idée morbide apparaît, elle occupe le premier rang, elle rejette dans l’ombre toutes les autres représentations, mais la plupart du temps elle ne fixe pas longtemps l’esprit, elle évoque une autre idée, puis celle-ci une autre encore et ainsi de suite à l’infini, mais ce sont toujours des idées de même ordre ; l’esprit ne peut se mouvoir que dans un cercle très étroit ; il est contraint de subir toujours les mêmes concepts, toujours les mêmes images. Ce n’est que dans des cas beaucoup plus rares, qu’il y a domination exclusive d’une représentation comme dans l’attention vraie ; cette domination dure parfois alors pendant plusieurs heures (recherche angoissante du nom, etc.). Si l’idée obsédante se maintient si longtemps à la pleine lumière de la conscience, c’est tout d’abord en raison de son extrême intensité, mais c’est surtout parce que les autres idées la ramènent sans cesse au premier plan ; et réalité, l’attention est intermittente dans cette forme de l’idée fixe, comme elle l’est partout, mais on a l’illusion de la continuité, parce que les instants où la représentation dominante est réduite sont très courts, tandis que ceux où elle est nettement et clairement consciente sont relativement fort longs. Mais, comme on le voit, ce mécanisme est un mécanisme intellectuel et qui ressemble en cela à celui de l’attention ordinaire ; pas plus que lui, il n’implique l’intervention nécessaire d’éléments moteurs. M. Ribot fait lui-même remarquer