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MARILLIER.sur le mécanisme de l’attention

sible que de la faire plus parfaite, c’est en effet aussi bien une des images subordonnées à la représentation maîtresse que cette représentation même qui peut bénéficier de ce surcroît d’activité des centres sensitifs ; tout dépend des circonstances particulières, du mouvement, qui, pour une cause ou l’autre, a été plus intense. On voit aussi que l’adaptation des mouvements n’est pas la règle, tant s’en faut ; elle n’apparaît que dans le cas où l’excitation relativement forte a réagi sur les centres moteurs et où néanmoins elle s’est localisée, elle n’a mis en action qu’une région relativement restreinte de la zone motrice. Il est au reste incontestable que les centres moteurs et sensitifs fonctionnent souvent d’une manière relativement indépendante les uns des autres : le moi est un tout dont l’unité est bien fragile et constamment brisée. Nous pouvons préparer une leçon en nous promenant, jouer un air que nous savons par cœur et suivre en même temps une conversation ; tous nous avons connu des femmes qui lisaient en tricotant ou en faisant de la tapisserie. S’il nous est impossible de réfléchir en courant ou en grimpant un escalier, cela tient en partie aux modifications circulatoires qui sont déterminées par les mouvements rapides et violents ; cela tient aussi à l’intensité et à la fuite rapide des sensations qu’ils provoquent et qui ne laissent place à côté d’elles dans la conscience pour aucune représentation. Il arrive au reste qu’une représentation très intense absorbe l’intelligence tout entière malgré ces conditions défavorables : la crainte d’un danger ou un chagrin violent, ou une sensation même moins étroitement unie à une émotion, un son très aigu et très persistant par exemple. Chez les dégénérés, on observe fréquemment cette dissociation des phénomènes moteurs et des phénomènes représentatifs dont je parlais tout à l’heure ; l’idée obsédante et l’impulsion irrésistible sont des phénomènes d’ordre différent ; chez certains malades, il n’y a ni obsessions, ni délire, les centres moteurs seuls sont atteints ; chez d’autres, au contraire, la conduite reste normale, jamais les représentations si exaltées et perverties qu’elles puissent être ne déterminent d’actes ; parfois les deux ordres de troubles coexistent chez un même sujet, mais les deux séries de phénomènes sont indépendantes l’une de l’autre et chacune d’elles est soumise à une évolution distincte. Dans la manie même les troubles moteurs sont en quelque mesure indépendants des troubles intellectuels ; chez certains aliénés, l’excitation maniaque ne se manifeste guère que par l’exubérance des idées et des images, leur extrême intensité, la rapidité avec laquelle elles se succèdent ; chez d’autres au contraire il existe une véritable manie motrice, un incessant besoin de mouvement qui ne s’accompagne d’aucun