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mouvements de grande intensité, ce qui est frappant, c’est la cohérence, la liaison parfaite de tous leurs actes, le parfait accord qui existe entre l’état de leurs muscles et l’état de leur esprit ; leurs mouvements sont coordonnés par une représentation, ils sont adaptés à un but ; l’état des centres moteurs reproduit celui des centres sensitifs ; il y a même subordination, même harmonie, même concentration. Si l’excitation augmente encore, la scène change ; l’excitation diffuse à travers tous les centres moteurs, le centre tout d’abord excité soumis à une excitation trop forte réagit moins énergiquement ; les mouvements deviennent incohérents, désordonnés ; ils augmentent d’intensité, se généralisent ; ils ne sont plus adaptés à aucun but. On fait des gestes, on parle à haute voix, on va, on vient, on s’arrête, on repart, on agite les bras en l’air, on se prend les cheveux à pleines mains ; la bouche grimace de mille façons ; parfois la figure se fige en une expression immobile, les yeux sont fixes, les traits contractés, le front sillonné de rides, les mains tremblent, la voix est rauque, la parole difficile, la respiration embarrassée. Là encore nous sommes en présence de phénomènes actifs : mouvements rapides et énergiques ou contractures musculaires, peu importe. Mais si l’excitation ne cesse de croître, tout change de nouveau : les muscles se relâchent, il devient difficile de marcher, de remuer le bras ou la jambe, la figure s’affaisse, les yeux regardent dans le vague, la voix s’affaiblit, la respiration devient lente et pénible, le cœur bat moins régulièrement et moins vite, la peau pâlit et se refroidit ; c’est que les centres qui agissent sur les muscles volontaires sont inhibés par une excitation trop forte, ils n’agissent plus comme centres moteurs, mais comme centres d’arrêt ; en même temps l’excitation a gagné les centres vaso-moteurs, le centre modérateur du cœur et a déterminé les réactions vasculaires et cardiaques que j’indiquais tout à l’heure. Si l’excitation est plus vive encore, le cœur à son tour est inhibé et le centre respiratoire avec lui ; il y a arrêt du cœur en diastole, arrêt des mouvements respiratoires, et, si l’excitation se prolonge au delà de quelques fractions de seconde, la syncope survient, la perte totale de connaissance ; c’est l’aboutissement habituel de l’extase.

Il résulte de cette brève analyse que les mouvements musculaires qui accompagnent l’attention sont d’ordinaire une conséquence de l’état des centres sensitifs ; mais il est certain qu’ils peuvent contribuer à augmenter, non pas la profondeur de l’attention, il est vrai, mais l’excitation des centres, et à donner ainsi à l’ensemble des représentations plus d’intensité. Seulement le résultat de cet accroissement d’intensité peut être tout autant de rendre l’attention impos-