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Mais c’est une question qui ne semble pas susceptible de recevoir une solution unique. En bien des cas, lorsque la représentation dominante s’est effacée en raison de la loi de relativité, l’idée ou l’image qui lui est immédiatement associée apparaît ; c’est elle qui possède à ce moment la plus grande intensité ; l’excitation du groupe de cellules qui était le siège de la représentation qui vient de disparaître s’est, en raison d’une association fonctionnelle, principalement transmise au groupe sensitif qui entre en action ; le meilleur exemple que l’on puisse citer de cette attention enchaînée, c’est le raisonnement déductif.

Il semble donc, d’après ce qui précède, tout au moins contestable que l’attention n’agisse que sur des muscles et par des muscles. Il semble au contraire qu’elle ne dépende que de l’état des centres sensitifs et que cet état soit relativement indépendant de la résolution ou de la contraction des muscles volontaires. Les phénomènes moteurs ont cependant un rôle dans l’attention et un rôle important ; mais à mes yeux, c’est de l’action des centres moteurs sur les centres sensitifs qu’il faut surtout tenir compte. À côté des associations de représentations et des associations de tendances, il existe en effet des associations complexes où entrent à la fois des tendances et des représentations ; il y a des liaisons fonctionnelles très étroites entre certaines parties des centres sensitifs et certaines parties des centres moteurs. Il peut donc arriver que ce soit non pas à son intensité propre, mais à son association à des tendances qui sont devenues à un instant donné très énergiques, qu’une représentation doive sa prédominance momentanée. Un chien, par exemple, peut être absorbé tout entier par une sensation très faible, l’odeur qu’un lièvre a laissée derrière lui sur sa piste : il peut n’entendre plus qu’à peine la voix de son maître qui l’appelle à grands cris. C’est que la sensation olfactive, la très légère excitation d’un point limité des centres sensitifs a éveillé les tendances très puissantes qui l’entraînent à la poursuite du gibier. Elles s’ajoutent à la sensation, elles la grandissent, elles lui permettent de réduire, de rejeter au second plan toutes les autres images, toutes les autres sensations. L’appétit sexuel joue très fréquemment un rôle analogue. Les seules représentations qui peuvent maintenir longtemps sous leur domination les représentations coexistantes sont celles qui sont associées à des tendances motrices puissantes : c’est que bien que les tendances motrices soient soumises comme les représentations à la loi de relativité, leur intensité décroît cependant beaucoup plus lentement. L’excitation des centres moteurs entretient alors l’excitation des centres sensitifs. Il peut même arriver que l’attention naisse de l’accroissement subit qu’aura