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motrices et les désirs interviennent dans le phénomène de l’attention : ce que je désirerais seulement tenter d’établir, c’est qu’ils n’agissent qu’indirectement. Toute la question se réduit pour moi à savoir si, dans l’attention, ce sont les centres corticaux représentatifs ou les centres corticaux moteurs qui jouent le principal rôle. Si nous traduisons en termes physiologiques la théorie que je viens d’esquisser, nous dirons que la cause de l’attention c’est la différence d’intensité qui existe à un instant donné entre les excitations de deux ou plusieurs centres sensitifs. Le phénomène essentiel est donc un phénomène qui n’est pas sous la dépendance des centres moteurs ; il dépend exclusivement de l’état des centres sensitifs. M. Ribot affirme que si une représentation se maintient au premier plan pendant un certain temps, cela tient à ce qu’elle détermine des mouvements, qui sont eux-mêmes la cause de sensations, que ces sensations viennent renforcer la représentation originelle et s’ajouter à elle : il en conclut que « les mouvements sont les éléments constitutifs, les facteurs indispensables de l’attention » et que le mécanisme de l’attention est moteur. Il résulte cependant de ce que dit M. Ribot lui-même que ce qui est essentiel ici, c’est le renforcement d’une représentation et que ce sont des sensations qui déterminent ce renforcement ; les mouvements ne sont qu’une condition, indispensable tant que l’on voudra, mais non pas un élément du phénomène ; l’attention reste un phénomène représentatif et c’est à l’état des centres sensitifs qu’elle est directement liée. M. Ribot cherche bien à établir l’existence d’éléments moteurs dans l’attention au cours de la très longue analyse qu’il fait du mécanisme de l’attention volontaire, mais ce qu’il réussit à montrer, c’est le rôle très important que jouent les sensations musculaires dans la mémoire des images et en particulier dans celle des mots : il n’établit pas que l’attention soit un phénomène psychologique complexe, fait de représentations, de tendances et de désirs, il la définit au contraire, avec une grande justesse, un état intellectuel. Il ne semble pas que l’on puisse dire non plus que le mécanisme de l’attention est un mécanisme moteur ; si l’on admet en effet la théorie de M. Ribot à laquelle je faisais allusion tout à l’heure, on est obligé de reconnaître que les centres moteurs ne jouent pas seuls un rôle, dans la production du phénomène et même qu’ils ne jouent pas le rôle principal. Il est au reste très contestable que si une représentation conserve une intensité plus grande que les représentations qui coexistent avec elle, l’unique raison qu’on en puisse concevoir, c’est qu’elle reçoit un renforcement continuel des sensations provoquées par les mouvements qu’elle détermine ; que ce mécanisme entre souvent en action, je ne