Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
571
MARILLIER.sur le mécanisme de l’attention

les autres sensations. En revanche, une idée, qui d’abord n’exerçait sur l’esprit qu’une action très faible, qui ne réussissait pas à dominer les images et à les unir en un seul tout, peut lentement s’emparer de toute l’intelligence, la gouverner tyranniquement. Ce qu’il faut en effet considérer, ce n’est pas, je l’ai dit plus haut, l’intensité absolue de la représentation, mais l’action qu’elle peut exercer sur les représentations qui coexistent avec elle ; cette action ne dépend pas de l’intensité seule, mais de l’intensité et de la stabilité de la représentation, et en même temps de l’intensité et de la stabilité des représentations rivales. Ce qu’il importe de considérer (qu’on me permette d’emprunter cette expression à la langue des électriciens), c’est la quantité de la représentation : je veux dire le produit de son intensité par sa durée ; le résultat dernier des actions réciproques exercées les unes sur les autres par des représentations coexistantes ne dépend que de la quantité relative de ces représentations. Il convient d’ajouter qu’entre deux représentations celle qui s’impose à la conscience avec la plus grande énergie est souvent celle qui est en apparence la plus faible, mais ce n’est là qu’une apparence par laquelle il ne faut pas se laisser égarer. Il ne faut pas tenir compte seulement en effet lorsque l’on parle d’une représentation de cette représentation même, mais de toutes celles auxquelles elle est étroitement associée et dont l’intensité vient s’ajouter à la sienne ; c’est ainsi qu’une idée d’intensité faible en raison même de son caractère de haute abstraction, l’idée du devoir, peut agir comme un frein puissant et arrêter des tendances motrices d’une très grande force, les appétits sexuels par exemple, parce que cette idée est associée à un nombre presque infini de conceptions et d’images, qui agissent avec elle dans le même sens qu’elle. Il peut au reste arriver qu’une représentation d’une très grande intensité soit entravée dans son action, par ces mêmes lois d’association, qui, aussi bien que des représentations semblables dont l’action s’ajoute à celle de la première, peuvent faire apparaître des représentations antagoniques ; ce qui agira alors ce sera une représentation complexe dont l’intensité sera égale à la somme algébrique de cet ensemble de sensations, d’idées et d’images.

Dans ce court exposé, je n’ai pas eu à faire intervenir les éléments moteurs de l’esprit, c’est de représentations que j’ai parlé et uniquement de représentations : je crois que les phénomènes d’attention peuvent s’expliquer par les différences d’intensité des représentations, et le fait que les représentations varient d’intensité n’est, que je sache, contesté sérieusement par personne. Ce n’est pas que je veuille un instant contester que les tendances