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reviennent facilement s’associer aux autres impressions ; je me représente assez aisément l’obscurité, mais cette représentation ne se maintient pas. La différence entre les images concrètes et les images abstraites du tact, ne s’établit pas chez moi avec une netteté aussi grande qu’entre les images concrètes ou abstraites de la vue ou de l’ouïe. Mais si les images tactiles ne présentent pas la série de gradation que peuvent offrir les images visuelles et auditives, elles ne m’en paraissent pas moins propres à l’étude des phénomènes que nous examinons ici. En effet, ces images sont d’une manière générale beaucoup moins différenciées que les images de la vue ou de l’ouïe ; il en résulte à priori qu’elles doivent à de certains égards offrir plus facilement un caractère abstrait et général. À en juger par ce que je puis constater chez moi, l’expérience confirme entièrement cette déduction. Mes images tactiles ont facilement une forme abstraite et générale ; si j’imagine le poli du marbre cette image est abstraite et générale, ce n’est pas le poli d’un morceau de marbre en particulier ; de même, si j’imagine la sensation d’un papier glacé, cette image peut s’appliquer à bien des représentation concrètes différentes. Les images tactiles peuvent être précisées par l’association avec des images d’autre sens, mais, par elles-mêmes, elles ne sont pas toujours particulières, bien que, évidemment, elles puissent l’être. C’est que les perceptions de tact elles-mêmes ne sont pas différenciées comme les perceptions visuelles et sonores, elles sont, semble-t-il, moins concrètes et plus générales par elles-mêmes.

Sur les représentations musculaires, olfactives et gustatives il n’y a pas non plus beaucoup à dire. Les images olfactives et gustatives peuvent se rapprocher plus ou moins de la sensation, elles peuvent être plus ou moins abstraites. Il me semble que les images gustatives ont facilement aussi quelque chose d’abstrait et de général. Mais ces images paraissent se rapprocher des représentations primitives, elles sont abstraites et générales parce qu’elles ne peuvent pas être précises. Elles sont bien parfois abstraites de nombreuses expériences, mais c’est parce que ces expériences ont été semblables, ou nous ont paru complètement semblables au point de vue de l’odorat ou du goût, que leur souvenir est une image abstraite et générale ; elle est abstraite par le seul fait qu’elle est séparée des autres images visuelles ou tactiles qui ont accompagné chaque fois les sensations olfactives ou gustatives. J’ai bien ainsi une représentation générale du doux ou du salé.

Ainsi l’examen des différentes sortes d’images nous amène à conclure qu’il existe réellement des images abstraites. Ces images