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rences telles que nous puissions en général les faire réapparaître dans une image. Il est bien certain cependant que tous les êtres ou les objets dont je viens de parler sont, en réalité et pris en soi, individuellement distincts, et qu’ils présentent certaines différences. Les voyageurs le constatent chez les indigènes s’ils restent quelque temps dans le pays. Le berger pourra reconnaître tous les moutons de son troupeau, et certainement en examinant les épingles à la longue on pourrait les distinguer et en faire des représentations distinctes. Mais il faut pour cela un travail, — nous pouvons donc avoir naturellement des représentations qui peuvent représenter indifféremment tel ou tel autre objet, — c’est la seule explication à donner des faits bien connus que j’ai rappelés, — et en cela les représentations sont générales ; déplus elles sont évidemment formées par la sélection de ce qu’il y a de commun à tous les objets représentés et par l’abandon du reste, et ce sont certainement des représentations abstraites. Remarquons qu’elles ont très probablement quelque chose de vague et de non spécifique, — je dis probablement et non certainement parce que l’on pourrait à la rigueur soutenir que dans certains cas l’image est précise quoique tous les détails n’en puissent être reconnus par l’esprit ; — de même que souvent nous voyons des objets sans nous en rendre compte, il peut bien arriver que nous nous en représentions aussi sans avoir une connaissance complète de cette représentation. Mais ceci ne saurait certainement ni être pris comme l’expression de ce qui se passe toujours ni avoir à notre point de vue une importance capitale.

La possibilité des images et des perceptions visuelles vagues, générales et abstraites, est donc prouvée. Jusqu’à quel degré cette abstraction, cette qualité d’être abstrait et général peut-elle aller, il n’est pas aisé de le déterminer. En effet, une image visuelle ne peut devenir indéfiniment plus abstraite, elle doit finir par ne plus être une image visuelle. On se représente bien des images visuelles à forme vague et à couleur mal définie, cependant si la forme peut à la rigueur disparaître, ce qui est même difficile à admettre absolument, il faut bien qu’il reste encore quelque couleur et quelque luminosité, autrement je ne sais pas trop pourquoi nous appellerions l’image en question, une image visuelle.

Il faut remarquer d’autre part que les représentations visuelles ont une certaine tendance à paraître plus concrètes qu’elles ne le sont en réalité. Fontenelle cherchait un jour à comprendre et croyait avoir déjà compris en partie un amphigouri qui n’avait réellement aucun sens, mais qui était adroitement construit. Un fait analogue se produit quelquefois à propos des images visuelles. Ainsi lorsque je