Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXVII, 1889.djvu/555

Cette page n’a pas encore été corrigée


L’ABSTRACTION ET LES IDÉES ABSTRAITES[1]


LES FORMES LES PLUS ÉLEVÉES DE L’ABSTRACTION

I

Les abstractions plus élevées que nous devons étudier à présent sont de plusieurs genres et plus ou moins élevées. Tantôt, la portion d’un système d’éléments psychiques isolée par l’abstraction peut subsister seule, et elle constitue ainsi une représentation abstraite ou une idée abstraite, tantôt elle peut s’associer avec un nouveau système de phénomènes et de tendances, pour former de nouveaux composés. Ces derniers cas montrent une abstraction peut-être plus pure, mais moins complexe en général. C’est par eux que nous commencerons, car leur étude pourra servir à élucider la question des représentations et des idées abstraites, telle que les philosophes l’ont comprise et qui n’est qu’une dépendance de la question plus générale que j’ai abordée dans ce travail.

Nous avons vu que, dans les cas d’abstraction imparfaite, la portion abstraite entraînait après elle dans le nouveau système auquel elle s’associait quelques éléments du premier système où elle était contenue, ce qui produisait nécessairement une sorte d’incohérence plus ou moins forte, plus ou moins grande qui, dans certains cas même, peut être belle ou utile ou servir à la beauté ou à l’utilité. Au contraire, quand l’abstraction est plus parfaite, le nouveau système formé ne contient rien d’incohérent ; ce qu’il emprunte aux systèmes précédemment formés, c’est seulement ce qui s’harmonise parfaitement avec lui. L’abstraction ici sert à faire une bonne généralisation théorique ou pratique. Des faits de ce genre nous sont donnés par l’observation des animaux. D’après le révérend C. Henslow « le renard arctique, trop prudent pour se faire tuer comme le premier qui saisit un appât attaché par une ficelle à la gâchette d’un fusil, plongerait sous la neige et amènerait ainsi l’appât au

  1. Voir les numéros de janvier et février 1889.