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teurs qui, dans certains cas, peuvent réveiller des images graphiques, bien que celles-ci chez ces individus ne jouent aucun rôle dans l’exercice habituel de la pensée.

Il importe de remarquer maintenant que très généralement cette partie motrice de la représentation mentale est inconsciente, si toutefois l’on excepte le phénomène connu sous le nom de parole intérieure ; encore sait-on qu’il est besoin d’ordinaire d’une certaine habitude de l’observation de soi-même pour que la parole intérieure n’échappe pas à la conscience. En effet, toute représentation mentale n’est qu’une résultante ; c’est de cette résultante seule, ce semble, que l’on a habituellement conscience ; les éléments simples constituants ne se dégagent pas. C’est ainsi que le timbre d’un son est dû à ce que des notes accessoires s’unissent à la note principale ; et le son musical perçu est formé par des sensations plus simples, agglomérées pour ainsi dire, et qui ne sont point perçues ; sans elles néanmoins, la sensation n’aurait point lieu. Pour montrer que cette dernière implique les premières à titre d’éléments intégrants, il faut un artifice expérimental. De cette manière peut, ce me semble, s’interpréter l’expérience que j’ai décrite. De même, les phénomènes organiques, cardiaques, vaso-moteurs, sécrétoires, etc., qui accompagnent presque tous, sinon tous les états affectifs, aident sans doute ces états à se constituer et peut-être même précèdent le phénomène conscient, loin de le suivre ; ils n’en restent pas moins, dans nombre de cas, inconscients.

Comme conséquence ultime on pourrait dire que, pour toute une classe d’individus surtout (les moteurs), se représenter un acte, c’est en ébaucher l’exécution. Et ainsi on trouverait une raison psychologique profonde à la vieille maxime juridique, à savoir que l’intention doit être réputée pour le fait.

En terminant, je signalerai l’intérêt que présente le fait que j’ai observé au point de vue des mouvements inconscients en général. L’importance de ces phénomènes, qui ont été bien compris par M. Chevreul (1853), clairement étudiés par M. Charles Richet (1884-1886) et sur lesquels j’ai moi-même appelé l’attention (1884), et leur rôle considérable sont indiscutables aujourd’hui.

Eugene Gley.