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société de psychologie physiologique

mouvements ; ceux-ci cessent conséquemment d’être inconscients pour devenir simplement involontaires. J’ai toujours réussi jusqu’à présent, et du premier coup, avec les personnes qui savent un peu dessiner, à plus forte raison avec des peintres, avec des sculpteurs, etc.

Si les choses se passent ainsi, c’est, je crois, parce qu’il entre dans toute représentation des éléments moteurs, ceux-ci jouant pour la constitution et par suite dans le rappel de l’image un rôle plus ou moins important suivant les individus. Qu’est-ce en particulier qu’un nom ? Il y a déjà assez longtemps que M. Charcot a montré de la façon la plus claire (voy. en particulier Progrès médical, 1883) que le mot est un complexus, constitué par l’association de quatre espèces d’images : auditive, visuelle, motrice d’articulation et motrice graphique ; et ses recherches anatomo-cliniques ont prouvé que du trouble de l’un ou de l’autre des organes cérébraux nécessaires à cette fonction si complexe du langage résulte une forme déterminée d’aphasie (surdité ou cécité verbales, aphasie motrice, agraphie).

Mais chaque groupe d’images n’est pas également important chez tous les individus. On sait très bien que les uns ont plutôt des images auditives, les autres sont plutôt des visuels, suivant l’expression usitée aujourd’hui, et les autres des moteurs. Penser à un nom pour les uns c’est donc surtout, et pour quelques-uns même c’est exclusivement entendre ce nom (image auditive) ; pour les autres, c’est le voir ; pour d’autres encore, c’est le prononcer (image motrice d’articulation) et pour un dernier groupe c’est l’écrire image graphique). Qu’on n’oublie pas que pour beaucoup (les indifférents, comme les a appelés M. Charcot) les images des trois catégories peuvent être utilisées. Par suite, je suis porté à croire que, si on trouvait un auditif pur, et qu’on tentât avec lui l’expérience dont il s’agit ici, on n’obtiendrait aucun résultat.

Je ferai cependant une réserve. Ne se pourrait-il pas que même chez un auditif, dans quelques cas, soit sous l’influence de la légère émotion produite par cette expérience d’apparence un peu étonnante pour le vulgaire, soit surtout à cause de l’attitude prise (et M. Binet dans l’article cité plus haut a bien montré l’importance de l’attitude pour la production de ces mouvements inconscients chez les hystériques), soit pour ces deux raisons réunies, l’expérience réussit ? — Mais alors une conclusion ne s’impose-t-elle pas ? C’est que dans toute image il y a des éléments moteurs, comme éléments intégrants : aucune perception de la vue n’est possible sans mouvements des muscles de l’œil et du muscle accommodateur ; la formation de toute image tonale ne résulte pas seulement de la transmission au cerveau des sons entendus, mais implique aussi des mouvements des muscles intrinsèques de l’oreille. Tous ces phénomènes de mouvement laissent leur trace dans le cerveau ; et ces résidus moteurs doivent s’associer aux autres résidus de même nature qui résultent des mouvements graphiques. Seulement cette association est sans doute plus ou moins forte. En tout cas, on voit que, même chez les auditifs ou les visuels purs, toute image comprend des éléments mo-