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ANALYSES.r. kleinpaul. Sprache ohne Worte.

de l’écriture. L’écriture cunéiforme, elle, a développé complètement le système primitif idéographique en un système verbal, puis alphabétique. Après avoir rapproché le signe écrit du mot en le séparant de la chose, les peuples des bords de l’Euphrate et du Tigre se mirent à le rapprocher du commencement du mot et ainsi se forma peu à peu un système alphabétique dans lequel chaque signe finalement ne signifia plus que le premier son du mot qu’auparavant il signifiait tout entier. On peut comparer le procédé suivi par les sourds-muets quand ils représentent B, C, etc., en se touchant la barbe (barba), les cheveux (crinis), etc.

Quant aux Phéniciens, ils reçoivent leurs lettres des Égyptiens et leur donnent d’autres noms ; mais il est à remarquer encore que chacune d’elles est identique à la première lettre du nom qu’elle porte (A par exemple s’appelle Aleph).

L’auteur, considérant l’écriture latine en Allemagne, montre, ce que d’ailleurs tout le monde sait, sauf le peuple allemand, que, dans un intérêt politique, on trompe à ce sujet systématiquement, que la soi-disant écriture gothique n’est ni une écriture pratique, ni, pour les Allemands, une écriture nationale, mais qu’elle est un simple stade du développement de l’écriture latine par lequel Anglais et Français, aussi bien qu’Allemands, ont passé. La première écriture allemande était l’écriture runique, elle-même empruntée de l’alphabet latin.

Les chiffres sont un reste, subsistant encore aujourd’hui parmi nous, de l’écriture idéographique. On discute sur leur origine première. Les uns les font venir des noms de nombres et par conséquent les considèrent comme des lettres démonétisées ; d’autres les rattachent directement à des objets ; d’autres enfin voient en eux des figures propres de nombres, seulement déformées par l’usage. Les peuples, d’après ce qu’on peut constater historiquement, ont suivi, dans la formation de leurs systèmes de chiffres, les méthodes suivantes : 1o ils ont fait autant de traits qu’ils voulaient représenter d’unités ; 2o ils ont élevé au rang de chiffres les premières lettres des noms de nombres (C = Centum = 100, etc.) ; 3o ils ont fait signifier aux lettres de l’alphabet, comme les Grecs, des nombres correspondant à leur place dans l’alphabet, mais l’auteur paraît se rallier à l’hypothèse émise par Faulmann, savoir que le signe ici a signifié le nombre avant de signifier le son de l’alphabet ; donc la question reste : d’où viennent les chiffres ? On est conduit ainsi à reconnaître : 4o que les chiffres ont exprimé, à l’origine, des choses qui, comme l’expérience courante le montrait, constituaient des nombres fixes. C’est ainsi que le chiffre romain V a la forme d’une main, X celle d’une double main. Il y a des choses qui ne sont qu’accidentellement des nombres déterminés ; ce n’est pas elles évidemment qu’un système de chiffres a pu représenter. Au contraire la main est un nombre 5 constant et connu de tous, dont les doigts forment les unités. L’auteur incline donc finalement vers l’hypothèse que les chiffres élémentaires ont, à l’origine, été une écriture idéogra-