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Il y a enfin le langage des armoiries et des enseignes, celui des gants et des éventails, de la toilette, des signes par lesquels on indique d’une manière permanente ses opinions politiques, des uniformes, des distinctions, etc. Dans l’évolution du costume, l’auteur distingue une période naturelle et une période artificielle : dans la première, l’homme s’habille comme il veut, et son habit dit simplement s’il est riche ou pauvre ; dans la seconde, il s’habille comme il doit et l’on voit à son costume s’il est soldat ou employé des postes.

III. — Le langage sans paroles se développe dans la pantomime et les hiéroglyphes du peuple et peut, dans ces cas, former des phrases aussi bien que le langage parlé. Les moyens dont il dispose pour cela sont les gestes et l’écriture. L’art de la pantomime avait, chez les anciens Romains, atteint un degré de perfection tel qu’il leur paraissait supérieur à la déclamation elle-même. Chez les sauvages, chez les muets, chez certains moines qui ont fait vœu de silence, on rencontre également un langage de gestes intelligent ; il faut remarquer que ces trois catégories d’hommes ont d’ailleurs presque partout, dans leur langage, les mêmes images et le même style ; cela ne doit pas étonner, car, là où l’on poursuit des buts identiques par des moyens identiques, le résultat doit être aussi le même.

L’écriture idéographique, les hiéroglyphes sont encore un moyen de communication naturel à l’homme : ainsi le peuple recouvre partout les murs des cabinets de dessins et caricatures qui sont une véritable écriture idéographique. C’est de cette écriture populaire et naturelle qu’est sortie toute écriture en général. En dehors de la vie courante, elle subsiste encore en Europe, par exemple dans les croquis topographiques que font les militaires, dans les signes par lesquels les astres sont représentés dans les calendriers. Les hiéroglyphes égyptiens et les sinogrammes chinois se rencontrent également autour de nous ; nous faisons des croix, des étoiles, pour indiquer par là quelque chose ; on représente en Allemagne 100 pieds carrés, par exemple, par 100 suivi d’un carré (100□) ; nous avons des images conventionnelles, comme les Chinois, pour certains concepts qui reviennent fréquemment. L’homonymie, entraînant la représentation par le même signe d’objets différents, quoique de même nom, est l’écueil de l’écriture idéographique.

Voici comment se fait le passage à l’écriture alphabétique. Le mot et la chose sont confondus et, conséquemment, on tend à considérer le signe idéographique comme représentant non seulement chose, mais encore le nom de cette chose ; c’est le même principe qui est encore aujourd’hui partout appliqué dans les rébus. Les amphibologies qui pourraient alors se produire sont évitées au moyen de l’adjonction de déterminatifs ; l’auteur propose d’interpréter comme étant de tels déterminatifs les figures d’animaux et d’objets qui accompagnent chez les Égyptiens la représentation de leurs dieux.

Mais nous n’avons encore là qu’un premier stade du développement