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ANALYSES.r. kleinpaul. Sprache ohne Worte.

Les statues, ordinairement considérées comme des types de froideur et de dureté, sentent, vivent, parlent à l’occasion par les gestes qu’elles représentent, la figure qu’elles font ; aussi le peuple a-t-il souvent attribué à certaines une mobilité, une vie réelles : témoin la légende de la statue du comte entraînant don Juan, et tant d’autres légendes analogues. Nous-mêmes sommes à beaucoup d’égards des statues et parlons par nos gestes, notre attitude.

L’auteur traite ensuite des signes plastiques des sentiments et les divise en : signes de l’amour, signes du respect, signes de la gratitude, signes de l’approbation, de la désapprobation, signes de la moquerie et signes du mépris. Parmi les signes de l’amour il compte principalement le baiser, l’embrassement, la pression des mains, l’action de donner le bras. Les signes du respect se ramènent primitivement aux actes par lesquels on s’abaisse et élève une autre personne ; ces actes sont celui de se jeter à terre, de s’agenouiller, de s’incliner, d’ôter son chapeau, ses chaussures (mahométans entrant dans une mosquée), de céder le pas, de faire place. Les signes de la gratitude coïncident souvent avec ceux de l’amour et du respect. Nous nous inclinons, par exemple, aussi bien quand nous rencontrons une dame que quand nous sommes assis à sa table et qu’elle nous demande si nous désirons encore une tranche de rôti. Les signes de l’approbation sont l’acte de claquer, celui de frapper avec les pieds ; parfois ils ressemblent à ceux du respect ; c’est un signe de demi-approbation quand on détourne les yeux et fait semblant de ne pas voir. Les signes de la désapprobation ressemblent souvent à ceux de l’approbation ; ce sont, par exemple, le bruit avec les pieds, le sifflet. Les signes de la moquerie sont le Storch (ciconia des Latins), les oreilles d’âne, l’acte de tirer la langue, de faire des cornes, un pied de nez, etc. Les signes du mépris enfin sont l’acte de cracher, celui de montrer son derrière, de faire la figue, d’étendre le doigt du milieu. (Ostendit digitum, sed impudicum…, dit Martial.)

Les artifices de rhétorique constituent encore un langage sans mots : tels sont la brièveté de l’expression, le recours systématique aux preuves de fait, l’apport des objets mêmes (les figues de Caton, Phryné devant les juges). Les mendiants savent éveiller notre pitié de mille manières, sans pour cela parler. Les actes officiels, ceux de la prise de possession, par exemple, forment encore un langage sans mots.

On peut citer également le langage des fleurs, celui des timbres-poste disposés sur l’enveloppe de telle ou telle manière. On peut remarquer encore la tendance du peuple à recourir à de vives métaphores, comme quand il représente la moralité des procès en peignant une vache tirée en sens contraire par deux paysans, pendant que l’avocat la trait. Ces images et ces façons de s’exprimer, tantôt ont pour but d’augmenter la vivacité de l’impression et de l’enseignement, tantôt, par exemple dans la correspondance par timbres-poste, de permettre de ne pas dire absolument la vérité.