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du langage des rêves, de la double vue : ainsi, certaines plantes ou fleurs sont considérées comme représentant des parties du corps, des sentiments déterminés ; certains animaux sont des images, pour l’homme, de vertus ou de vices particuliers. À ce langage naturel se rattachent encore celui du visage, et la science appelée physiognomonie, les analogies corporelles ou ces rapports qui existent ou qu’on croit exister entre les diverses parties du corps ; ce sont ces analogies qui rendent possibles la séméiotique médicale et les conclusions que le vulgaire sait lui-même tirer, quant à l’état physiologique ou psychologique des personnes, de la couleur de leur urine, de leur langue, de leurs ongles, etc. On sait aussi interpréter les difformités, donner un sens aux dimensions et à la forme des nez, juger physiquement et moralement quelqu’un d’après ses yeux, ses mains, sa bouche, ses lèvres, sa stature, sa maigreur ou son embonpoint, sa façon de marcher, de parler, d’écrire, de cracher, de fumer, de rire, son degré de laideur ou de beauté, etc. À la physionomie, aux mouvements, à la conformation anatomique, on reconnaît également la nationalité, la race, l’état, la profession, la vie aventureuse ou calme ; on devine un juif à son nez, un paysan à ses manières, un ouvrier à ses mains, un riche à sa façon de cracher (La Bruyère). Le vêtement, comme signe de la profession, de la nationalité, joue aussi un grand rôle.

Les interjections, le rire et les pleurs, le baiser, l’empire sur soi et les dissimulations qu’il rend possibles dans les relations sociales forment également un langage, celui des mines et gestes. Il est à remarquer que les interjections sont en gros les mêmes chez les peuples les plus divers. L’auteur fait en passant quelques remarques intéressantes sur les jurons, sur les mots que nous adressons aux animaux. À propos du rire et des pleurs, il est conduit à parler du principe de l’antithèse, qui est l’un de ceux auxquels Darwin ramène la mimique ; il est d’avis de le faire précéder d’un autre qu’il appelle le principe des transpositions naturelles ou des métaphores psychiques et qu’il considère comme très important. Il se rencontre sur ce point avec Wundt et Piderit, qui admettent également, en lui donnant un autre nom, ce même principe. Une assez longue théorie du baiser se trouve développée p. 100 et suivantes. Le premier stade de tous baisers serait, selon l’auteur, le baiser sexuel.

II. — L’intention de la communication est ce qui fait proprement le langage. Il y a d’abord le cas où l’on a seulement l’intention d’éveiller l’attention, par exemple quand on sonne à une porte. Des signaux aussi simples que le précédent peuvent ensuite donner lieu à un véritable langage : ainsi, en Angleterre, on reconnaît quelle personne attend au nombre de coups frappés à la porte ; ainsi encore il se forme un langage conventionnel au moyen de coups de sifflet, de roulements de tambour, de coups de canon, de sons de cloche, de frottements de pied sous la table, etc.