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ANALYSES.r. kleinpaul. Sprache ohne Worte.

Louis Alotte. Primordialité de l’écriture dans la genèse du langage humain. Paris, E. Vieweg, 1888, 72 pages.

Comme son titre l’indique, le présent opuscule a pour but de prouver que l’écriture est apparue chez l’homme avant la parole. L’auteur appuie sa démonstration principalement des faits et arguments suivants : difficulté grande chez l’homme actuel, à plus forte raison chez l’homme primitif, d’imiter avec la voix ; existence d’objets et d’êtres qui n’émettent pas de sons ; rôle plus grand chez l’homme de la vue et de la mémoire visuelle que de l’ouïe et de la mémoire auditive, d’où tendance à créer des représentations visuelles plutôt que sonores des objets, l’homme, dans ce dernier travail, a d’ailleurs dû être beaucoup aidé par sa main souple et armée de doigts ; c’est par l’industrie lithique qu’il s’est trouvé conduit à une semblable imitation des êtres et des objets. L’écriture a été d’abord hiéroglyphique. La parole s’est constituée par la substituion d’articulations monosyllabiques à des signes figuratifs dont elles sont devenues les équivalents.

Comment et pourquoi cette dernière subtitution s’est-elle faite ? C’est ce que l’auteur n’explique pas clairement. Il fait intervenir ici « des hommes avisés », ce qui semble être une concession à la théorie de l’origine conventionnelle du langage que pourtant il rejette. Peut-être l’idée que l’écriture — nous préférerions dire : le geste manuel — a précédé la parole serait-elle assez aisément admissible (quoiqu’on puisse encore objecter la difficulté de communiquer par elle) si l’on se contentait d’affirmer que l’écriture est arrivée plus rapidement que la parole à une certaine perfection. Mais si l’on commence par nier absolument — ce que fait l’auteur — la possibilité d’un développement à quelque degré parallèle à l’origine de l’écriture et de la parole, nous ne voyons pas comment on pourra ensuite rattacher l’une à l’autre. De toute nécessité, croyons-nous, on se trouve amené, dans ce cas, à faire intervenir à un moment de l’évolution du langage des hommes avisés, c’est-à-dire des inventeurs.

B. Bourdon.

Rudolf Kleinpaul. Sprache ohne worte. (Le langage sans mots.) Leipzig, W. Friedrich, viii-456 p..

Cet ouvrage est divisé en trois livres. Le premier considère les cas où le langage sans mots se produit sans intention de communication et sans échange de pensées ; le second, ceux où il y a intention de communication, mais toujours sans échange de pensées ; le troisième, enfin, ceux où il y a à la fois intention de communication et échange de pensées. Nous analysons successivement chacun de ces livres.

I. — Il existe un langage compris par tout le monde et parlé par tout ce qui nous entoure ; c’est celui de la nature. L’existence de ce langage peut seule expliquer la possibilité de la symbolique, de la divination,