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ANALYSES.de la sizeranne. Les aveugles, par un aveugle.

semble qu’il eût dû commencer par là, car, si ce fondement vient à manquer, tout tombe en ruines.

Quant à la théorie des principes rationnels, elle se rattache à celle des idées rationnelles, en ce que principes et idées ont une même source, l’intuition primordiale de l’absolu. L’auteur distingue trois espèces de jugements empreints du caractère de nécessité : 1o les jugements absolument nécessaires qui ne s’appliquent qu’à l’être absolu, et parmi lesquels on est tout étonné de voir figurer en première ligne le principe d’identité, qui par conséquent n’aurait point d’application dans l’ordre expérimental ; 2o les jugements nécessaires qui s’appliquent aux êtres contingents, parmi lesquels, nouveau sujet d’étonnement, nous retrouvons encore le principe d’identité, et aussi les principes de substance, de causalité et de finalité ; 3o enfin les jugements nécessaires hypothétiques, c’est-à-dire ceux qui n’ont d’application qu’à la condition qu’un objet soit donné, exemple : tout corps est dans l’espace.

Le style de M. Cellarier est généralement clair, et quoiqu’il passe quelquefois à côté des questions sans les voir, on ne peut nier que presque toujours il n’ait la pleine possession de sa propre pensée. S’il voulait pourtant nous permettre de lui donner un conseil, nous l’engagerions d’abord à retrancher les trois quarts au moins de ses citations latines, et ensuite à moins occuper le lecteur de son ambition d’arriver au vrai, de la crainte qu’il a de le manquer, de ses projets de faire mieux et plus grand dans l’avenir, du peu qu’il est, de tout ce qu’il voudrait être, de sa personne en un mot. Ces retours perpétuels sur soi finissent à la longue par devenir fatigants. Dans un ouvrage de science ou de philosophie, il n’y a que les choses seules qui puissent intéresser.

Charles Dunan.

Maurice de la Sizeranne. Les aveugles, par un aveugle, avec une préface par M. le comte d’Haussonville. In-18, Paris, Hachette, 1889.

Dans le livre de M. Maurice de la Sizeranne la philosophie tient une place restreinte. Le but de l’auteur était surtout philanthropique. M. de la Sizeranne, toujours à l’affût des occasions qui peuvent se présenter de faire du bien à ses frères en cécité, a cru que l’un des plus grands services qu’il pût leur rendre était de les faire connaître, et d’intéresser, autant qu’il se pourrait, le grand public à leur sort. Pour cela, il s’est appliqué à nous les présenter tels qu’ils sont, et à réformer dans l’esprit de ceux qui liront son ouvrage, le préjugé très répandu suivant lequel l’aveugle serait un être inerte, encombrant, inutile, et incapable de se suffire à lui-même en quoi que ce soit. M. de la Sizeranne étudie les aveugles au point de vue des perceptions sensibles et des aptitudes physiques, au point de vue du développement intellectuel,