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binaisons de même nature. La dissociation des éléments n’est pas encore suffisante. Nous aurons à étudier cet état d’abord dans l’esprit lui-même, dans les images et les idées, dans les mythes, dans les croyances, dans les habitudes morales, dans les préceptes, dans la littérature, dans le langage, etc.

§ 2.

Le mode de pensée que nous étudions se rapproche beaucoup de celui qui produit ce qu’on a appelé les associations par ressemblance, et qui consiste dans la persistance dans l’esprit d’un élément commun à plusieurs représentations, tandis que des complexus d’éléments différents viennent se systématiser autour de l’élément persistant[1]. Seulement ici les deux représentations, les deux systèmes différents, au lieu de se succéder coexistent et se confondent plus ou moins dans l’esprit. La partie commune aux deux ne peut se dégager complètement ni de l’un ni de l’autre des composés ; la séparation, l’abstraction ne peuvent se produire à un degré suffisant. Il en résulte que deux systèmes d’éléments psychiques qui ne peuvent s’unir en un système supérieur, se trouvent juxtaposés dans l’esprit. Cet état peut être celui d’une pensée très faible et aussi celui d’une pensée très puissante ; il y a des avantages et des inconvénients comme nous pourrons nous en apercevoir.

Occupons-nous d’abord de la pensée prise en elle-même, nous nous occuperons plus tard de ses rapports avec le langage ; si nous nous servons ici d’exemples où le langage paraît jouer un certain rôle, c’est que le langage est notre principal moyen de connaître la pensée des autres, et nous le considérons pour le moment non en lui-même, mais à cause de la pensée, de l’imagination qu’il révèle.

Le calembour est une des formes inférieures de l’état d’esprit qui nous occupe, la poésie en est une des formes supérieures. Nous ne nous arrêterons pas au calembour ; j’en ai cité des exemples et j’en ai analysé ailleurs le mécanisme. J’en citerai un cependant, involontaire, qui est très propre à nous montrer le défaut de séparation suffisante des éléments psychiques.

Ordinairement, comme M. Bréal l’a remarqué[2] les mots qui ont plusieurs sens, ou plus généralement un son qui est associé avec plu-

  1. Voyez Brochard, la Loi de similarité (Revue philosophique.) ; — Binet, la Psychologie du raisonnement, et de curieux exemples dans Gallon, Inquiry on human faculty and its development.
  2. M. Bréal, Comment des mots s’associent dans notre esprit, article publié dans la Revue politique et littéraire.