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par la Bonté morale, est exposée à devenir la proie du principe infernal qui est dans la Nature ; par ses permissions mauvaises, elle livre sa propre citadelle aux mauvais instincts, à l’égoïsme, à la sensualité et aux autres. Par son inconduite, elle tend à déraciner non seulement la Bonté morale volontaire, mais la Bonté morale instinctive. Vues à la lumière de l’espèce de phénomène merveilleux que nous considérons, la Volonté et la Bonté morale semblent être mutuellement causes finales l’une de l’autre : il semble que la cause finale de la Volonté, ce soit de développer et de conserver la Bonté morale ; et il semble que la cause finale de la Bonté morale, ce soit de fortifier et de conserver la Volonté. Mais là où apparaît mieux ce qu’il y a de merveilleux dans l’équivalent d’intention que nous considérons, c’est quand il dispense la Volonté de s’occuper de tout ce qui n’est pas du domaine du devoir. L’instinct, un instinct natif ou peut-être acquis, semble suffire à ces accessoires.

Pour le dire en passant, il convient de noter ici que le Christ connaissait déjà ces équivalents d’intention, et qu’il a été seul jusqu’ici à les connaître. Il mit ces forces naturelles en liberté et il les mit en œuvre, et dans le plan qu’il traça de la vie chrétienne, il sut leur donner un but et une direction : si aujourd’hui nous en faisons la découverte, nous le devons à l’expérience des âmes chrétiennes.

Un autre argument en faveur de l’existence d’une volition sans option, c’est qu’elle s’accorde excellemment avec cette thèse, que la Volonté et la Bonté morale sont cause finale l’une de l’autre. On explique ainsi comment la volition sans option peut, aussi bien que le pouvoir de choisir, travailler au service de la Bonté morale, et comment, dans le rude et sec labeur de la vertu solide, alors qu’il n’y a en perspective aucune alternative pratique, c’est la Volonté, non l’Instinct, qui s’emploie et qui produit la volition sans option. On explique encore ainsi comment l’obéissance au devoir, prise au sens strict, est possible à la seule Volonté, et n’est pas de la compétence de l’Instinct. On explique enfin par là comment l’obéissance à l’impératif moral est chose impossible à l’Instinct, comment la déférence instinctive n’est pas l’obéissance ; que l’obéissance est le fait de la Volonté exclusivement, et que de toute nécessité l’impératif moral s’adresse toujours à l’âme en tant que Volonté, en tant qu’activité pure, et ne peut rencontrer d’obéissance que là. Le Christ a utilisé la force instigatrice de l’amour et de la crainte de Dieu pour produire en l’homme une sorte de contrefaçon de l’obéissance vraie, destinée à servir de modèle et d’attrait à la Volonté, afin de l’amener à pratiquer la véritable obéissance, et par là de favoriser le déve-