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CLAY. — le sens commun contre le déterminisme

quand ils ont pour cause un instinct. Il importe de distinguer entre les actes intentionnels volontaires et les volitions : les uns comme les autres sont des effets de la volonté, mais les premiers en sont des effets éloignés, les autres des effets directs ; ceux-là sont les effets d’une intention, ceux-ci ne le sont point. Un homme forme le dessein d’accomplir par obéissance au devoir une certaine action qui est pénible ; ce dessein est une volition ; il a pour effet une intention d’accomplir l’action pénible dont il s’agit ; cette intention, en tant qu’elle procède d’une volition, est volontaire, et en tant qu’elle procède d’une intention, elle est intentionnelle.

Il arrive, pour beaucoup d’entre nos actes intentionnels, que nous sommes mus par une force instigatrice, par un instinct intentionnel : c’est ce qui apparaît clairement, quand l’acte se produit en dépit d’une décision prise de l’arrêter. Ainsi nous prenons la résolution de nous défaire d’une mauvaise habitude, et nous sommes nonobstant amenés à y céder, et les actes par lesquels nous y cédons sont des actes intentionnels. Nous prenons la résolution de ne pas nous laisser aller à la colère dans une conversation à laquelle nous nous attendons, et voilà que la colère éclate en dépit de notre surveillance, et en des actes intentionnels. Nous décidons d’en finir avec toute affectation, avec toute vanterie ; et nous nous surprenons en train de donner carrière à l’une et à l’autre. Nous nous apercevons parfois que nous subissons une intention que, d’après le témoignage de notre mémoire, nous n’avons pas formée volontairement. La colère en particulier sait engendrer de ces intentions involontaires. Malheureusement, nous sommes si obtus quand il s’agit de nous examiner nous-mêmes, que la découverte d’une intention involontaire est un fait d’expérience fort rare. Rien pourtant qui jette un jour plus vif sur l’instinct et sur la volonté, rien qui les mette en un relief plus marqué.

Nous avons une tendance à admettre que l’acte de choisir est un élément essentiel de la volition ; que vouloir, c’est choisir. Mais une chose est manifeste, c’est que, pour qu’il y ait choix, la condition sine qua non est la présence de deux motifs pesant en sens opposés sur l’esprit, et créant ce qu’on peut appeler en termes techniques une alternative pratique. Et ce qui est également manifeste, c’est que la très grande majorité de nos volitions ou de ce qui nous paraît en être, a lieu en l’absence de toute alternative pratique, et à la suite de motifs qui n’ont pas été combattus. Donc la très grande majorité de ce qui nous semble être nos volitions exclut toute espèce de choix. S’ensuit-il que ce soient là des actes instinctifs ? En aucune façon. Il n’y a pas d’incohérence à concevoir un acte intelligent qui n’est ni