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intention. La tendance qu’on appelle intention semble faire suite à l’acte qu’on appelle résolution de là la confusion établie entre l’intention d’une part, et de l’autre l’acte, la volition, la résolution. Ce qui favorise cette confusion, c’est que l’intention est la différence d’une certaine espèce d’actes : on confond aisément les actes avec leur attribut spécifique.

Nous savons maintenant ce que c’est que l’intention. Je poursuis, et je remarque que les actes instinctifs sont tantôt intentionnels et tantôt non intentionnels ; que parfois ils procèdent d’une intention et parfois non. Quand l’enfant tette pour la première fois, il accomplit un acte instinctif qui est non intentionnel ; mais les actes ultérieurs du même ordre procèdent chez lui d’une intention : ce sont des actes instinctifs intentionnels. L’instinct, quand il est source d’actes intentionnels, peut s’appeler instinct intentionnel ; quand il est source d’actes non intentionnels, il est instinct aveugle. Jusqu’ici on a cru à tort que cette dernière espèce, l’instinct aveugle, enveloppait le genre tout entier. Généralement, on n’a pas rangé parmi les instincts nos penchants, tels que nos appétits et nos passions. Il arrive quelquefois, mais ce n’est pas une règle générale, qu’on les range parmi les instincts, par voie d’allusion et implicitement. Lorsque les penchants entrent en action, c’est tantôt en agissant comme forces instigatrices, et tantôt comme sources de motifs. Dans ce dernier cas, ils défèrent aux ordres de la volonté qui peut soit leur opposer un refus, soit acquiescer et les transformer pour ainsi dire en intention. Eh bien ! le penchant, sous la forme de force instigatrice, et non de simple source de motifs, voilà précisément l’espèce du genre instinct qu’on a jusqu’ici confondue avec la volonté. La cause de cette confusion, c’est que d’une part le penchant est intentionnel, et d’autre part on confond ordinairement l’intention avec la volition. Il y a une telle convenance, une utilité si capitale, à élargir ainsi l’idée d’instinct jusqu’à y englober l’espèce que j’appelle instinct intentionnel, que je n’ai pas besoin, je pense, de justifier cette opération.

Les actes intentionnels peuvent être ou volontaires ou instinctifs. Ils sont volontaires quand ils ont pour cause une volition ; instinctifs,

    aux volitions dans le sens strict, et à en exclure les actes instinctifs qui, à cause de leur ressemblance avec la volition, ont été considérés comme des volitions véritables. Assurément, il est déjà choquant de donner le nom de dessein à ce qui nous apparaît nettement comme étant une simple contrefaçon de la volition, imposée comme telle à l’esprit par l’instinct ; mais il le serait plus encore, pour le moment, de violenter outre mesure l’habitude mentale qui nous fait attribuer le nom de dessein à certaines contrefaçons de la volition. Ce serait écorcher vive une peau qui, dans l’ordre de la nature, devra s’écailler d’elle-même et tomber.