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tendue et semble mystérieuse, tant il est vrai que la ligne droite est une notion simple et directement perçue. L’absence de liaison visible entre la notion et la définition est une preuve pour moi qu’il n’est pas légitime de concevoir l’espace comme existant en soi avec ses propriétés géométriques et de croire que nos sens nous révèlent les éléments de cette structure objective. C’est par cette conception, fondée sur un besoin d’objectivité mal compris et dépassant son but, que nous imaginons la ligne droite comme une création indépendante de toute conscience, que nous pensons en recevoir dans nos sens une création indépendante de toute conscience, que nous pensons en recevoir dans nos sens une sorte d’image et qu’elle se trouve posséder la propriété remarquable d’être le plus court.

Qu’on veuille bien, pour éclaircir la question, en aborder le côté exclusivement analytique ou numérique et, pour le dire en passant, la géométrie est toujours susceptible de cette transformation, remarque qui suffit pour nous mettre en garde contre une existence autre que celle-là. Étant donné un point A et, à partir de ce point, trois directions formant deux à deux entre elles un angle droit, nous prenons respectivement sur ces trois directions trois longueurs très petites que nous désignerons par a, b, c, et nous achevons la figure solide cubique dont ces trois éléments sont les arêtes. Le point B est le sommet de l’angle apposé à A. Nous admettons que la distance de A à B est égale à la racine carrée de la somme des carrés des trois distances élémentaires et que la direction de la droite AB est fixée par les rapports de ces mêmes quantités avec la distance AB. Cela posé, on démontre qu’entre deux points quelconques, situés à une distance quelconque l’un de l’autre, la ligne la plus courte est celle pour laquelle la direction de tous les éléments successifs tels que AB demeure la même. Ainsi dans cette démonstration du chemin le plus court, la direction rectiligne à partir d’un point est acceptée comme notion première, et l’évaluation de la distance de deux points très voisins par la racine carrée de la racine des carrés de a, b et c est donnée comme la loi de la composition des distances.

Il est aisé maintenant de comprendre que la sensation de mouvement se substitue, sans altérer le procédé de la démonstration, aux éléments de distance, pourvu qu’on fasse intervenir la notion de temps. Dans tout phénomène de perception, l’intensité de la sensation est un des éléments conscients et la durée de la sensation est l’autre. J’ai désigné par quantité de sensation le produit des deux quantités. Ce produit, on le voit, pour une durée très courte, la seconde, prise comme unité de temps, est égal à l’intensité moyenne de la sensation supposée à peu près constante. On a reconnu dans la