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angle de 61 degrés. Il y a complète adaptation des propriétés de la sensation à celles du champ angulaire, mais, on vient de le montrer, ces propriétés dont le cosinus est l’expression mathématique se formulent sans cette représentation. Par conséquent, et je voudrais attirer l’attention sur cette remarque, il est permis de déduire ces propriétés du mode d’exercice de la perception, abstraction faite de leur coïncidence éventuelle avec celles de l’espace angulaire. Voyons donc si cela est possible. On sait qu’une relation entre deux variables, dont l’une, la variable dépendante, est ce qu’on nomme une fonction de la variable indépendante, telle que le cosinus d’un angle, implique une certaine relation aussi entre les variations élémentaires ou différentielles des variables. On sait encore qu’inversement on peut remonter de la relation différentielle à la fonction elle-même. Si donc on trouve que la première est une déduction des lois du phénomène, la seconde en résulte. On comprend comment j’ai pu démontrer que le cosinus est la relation cherchée si l’on admet que certains principes simples déterminent le phénomène de synthèse de deux sensations simultanées. Cette partie de l’étude qui est, à proprement parler, un essai de théorie de la composition des sensations, se résume par le résultat ainsi énoncé : La loi de la composition des sensations est la même que celle des forces.

Je ne quitte pas encore ce côté important de mon sujet, qui me semble indiquer sur quelles bases l’étude mathématique et théorique des phénomènes psychologiques peut chercher à s’appuyer. Comme je viens de le dire, la variation élémentaire de l’intensité de la sensation est prise en considération pour exprimer la relation des différentielles, et cette variation est assimilée à une sensation élémentaire. De plus, elle est supposée obéir dans sa composition aux principes admis, en particulier à celui-ci : La synthèse de deux sensations simultanées est la conscience du rapport de leurs intensités. Ce principe est la traduction rigoureuse de la notion de comparaison et je le suppose applicable à des éléments de perception. Je conviens qu’au premier abord on hésite à admettre, pour expliquer un phénomène psychologique échappant à la conscience directe, une règle de logique fondée sur les habitudes de l’intelligence consciente, mais, et je cite ici mon étude[1], « il faut bien chercher les premiers éléments de la logique en dehors de nos jugements proprement dits et antérieurement à leur formation ». En d’autres termes, le processus de la conscience est une intégration de processus analogues élémentaires, ou encore, la conscience est la sommation d’un très grand

  1. Composition des sensations, p. 36.