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SUR LA GENÈSE DE LA NOTION D’ESPACE


Dans son analyse de mon étude sur la notion d’espace[1], M. Tannery a bien voulu, avec un bienveillant intérêt, signaler l’importance de la question à laquelle elle se rattache. Je suis encouragé par son accueil à réunir quelques explications destinées à éclaircir et à développer les points les plus importants de mon mémoire. Il y a lieu, sans doute, pour pénétrer dans le sujet de ces recherches, de faire appel à un certain effort d’abstraction, mais les lecteurs n’en seront pas surpris, et les notions élémentaires du calcul et de la géométrie n’ont besoin ni de termes techniques, ni de connaissances spéciales pour être sérieusement étudiées.

Les propriétés de la sensation sont celles d’une quantité sui generis offrant le caractère de la variation continue. Admettre l’existence de cette quantité est le point de départ. La faculté de constater cette existence et, par conséquent, de constater comment et à quel degré la quantité se différencie d’elle-même, est implicitement reconnue et constitue la perception. Chaque sens définit une de ces quantités toujours comparables à elles-mêmes, et signifie la totalité de son champ de variation. Ainsi, le sens visuel fournit la sensation colorée. Ses propriétés sont connues et, sur ce point, ne pouvant mieux faire que m’en référer à l’analyse de la Revue, je rappelle seulement que le champ coloré est assimilable à l’angle droit solide et toute sensation colorée à la résultante, dans cet angle, de trois coordonnées rectangulaires, c’est-à-dire de trois sensations composantes. Cette assimilation est vérifiée expérimentalement et cette assertion mérite qu’on s’y arrête, car elle provoque une explication qui a son importance.

Trois sensations colorées spécifiquement différentes, trois couleurs, sont choisies arbitrairement et identifiées à trois directions. Dès lors,

  1. Revue philosophique, janvier 1889 (Revue générale) ; L. de la Rive, Composition des sensations et notion d’espace, Genève, Georg. 1888.