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ANALYSES.tönnies. Gemeinschaft und Geselschaft.

Comme l’indique le titre, l’auteur s’est proposé d’analyser deux concepts, celui de la Gemeinschaft et celui de la Gesellschaft. Ce sont les deux modes de groupement que l’on observe chez les hommes, les deux formes de la vie sociale. Caractériser chacune d’elles et déterminer leurs rapports, tel est l’objet de cette étude.

La Gemeinschaft, c’est la communauté. Ce qui la constitue, c’est une unité absolue qui exclut la distinction des parties. Un groupe qui mérite ce nom n’est pas une collection même organisée d’individus différents en relation les uns avec les autres ; c’est une masse indistincte et compacte qui n’est capable que de mouvements d’ensemble, que ceux-ci soient dirigés par la masse elle-même ou par un de ses éléments chargé de la représenter. C’est un agrégat de consciences si fortement agglutinées qu’aucune ne peut se mouvoir indépendamment des autres. C’est en un mot la communauté ou, si l’on veut, le communisme porté à son plus haut point de perfection. Le tout seul existe ; seul il a une sphère d’action qui lui soit propre. Les parties n’en ont pas.

Ce qui tient les individus unis et confondus dans ce cas, c’est ce que l’auteur appelle Verständniss (consensus). C’est l’accord silencieux et spontané de plusieurs consciences qui sentent et pensent de même, qui sont ouvertes les unes aux autres, qui éprouvent en commun toutes leurs impressions, leurs joies comme leurs douleurs, qui, en un mot, vibrent à l’unisson. Cette harmonie ne se produit pas à la suite d’une entente préalable, d’un contrat antérieurement débattu et portant sur des points déterminés. Mais elle est un produit nécessaire de la nature des choses, de l’état des esprits. Quand les conditions sont favorables et que le germe d’où elle naît est donné, elle croît et se développe par une sorte de végétation spontanée (p. 26).

Pour que les consciences soient à ce point confondues, pour qu’elles participent ainsi à la vie les unes des autres, il faut qu’elles soient de même nature, ou qu’il y ait du moins entre elles de grandes ressemblances, et voilà pourquoi la communauté du sang est la source par excellence de toute espèce de communauté. En d’autres termes, le type le plus parfait de l’espèce de groupe que nous sommes en train d’analyser c’est la famille et la famille en est en même temps le germe. C’est d’elle qu’est née toute espèce de communauté, et puisqu’elle a sa source dans la constitution physiologique de l’homme, il en est de même de la Gemeinschaft. Celle-ci est donc d’origine absolument naturelle, c’est un groupement organique et, comme on le verra, c’est par ce caractère qu’elle se distingue essentiellement de la Gesellschaft.

Si la famille est la forme la plus parfaite de la Gemeinschaft, ce n’en est pas la seule. D’ailleurs la famille recèle déjà en elle-même des propriétés, des éléments et des modes de combinaison divers, qui donnent naissance par la suite à une certaine diversité de groupements. La ressemblance organique n’est pas le seul lien qui rattache les uns aux autres les membres de la famille. Elle fait même complètement défaut, au moins en général, entre les époux ; elle n’existe pas toujours