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ANALYSES.broca. Cerveau de l’homme et des primates.

Paul Broca. Mémoires sur le cerveau de l’homme et des primates. (Paris, Reinwald, 1888.)

Ce volume est le tome V des Mémoires d’anthropologie de Broca. Il comprend les travaux qui se rapportent au cerveau réunis et annotés par M. Pozzi. Ce sont donc ceux qui intéressent le plus les lecteurs de cette Revue et comme, d’autre part, ces mémoires dont plusieurs constituent les principales œuvres de notre regretté maître, n’ont jamais joui de la grande publicité qui s’octroie bien plus volontiers à tout ouvrage, fût-il la plus vulgaire des compilations, désigné sous le nom de livre, on ne trouvera pas le présent compte rendu trop long ni hors de propos. Nous suivrons l’ordre adopté par M. Pozzi et nous insisterons seulement sur les mémoires et les questions particulièrement susceptibles d’intéresser les psychologistes.

I. — Mémoires sur le siège de la faculté du langage articulé.

Le 18 avril 1861, Broca communiquait à la Société d’anthropologie un cas de perte de la parole consécutivement à un ramollissement chronique et à la destruction partielle du lobe antérieur gauche du cerveau. Cette communication fut publiée in extenso dans les Bulletins de la Société anatomique. Broca y analyse d’abord avec une lucidité remarquable la faculté du langage articulé ; il crée le mot aphémie. « Ce qui a péri chez les aphémiques, dit-il, ce n’est pas la faculté du langage, ce n’est pas la mémoire des mots, ce n’est pas non plus l’action des nerfs et les muscles de la phonation et de l’articulation, c’est une faculté particulière considérée par M. Bouillaud comme la faculté de coordonner les mouvements propres au langage articulé. » Puis il expose le cas observé par lui.

Un second mémoire est relatif à une nouvelle observation d’aphémie produite par une lésion de la troisième circonvolution frontale. Ici la localisation de la lésion était plus précise et le trouble cérébral mieux circonscrit.

En 1863, Broca communiquait à la Société d’anthropologie plusieurs autres observations analogues faites par lui et par M. Charcot. Il concluait à la localisation des fonctions cérébrales et à celle du langage articulé dans la partie postérieure de la troisième circonvolution frontale gauche. Il citait entre autres le curieux fait suivant : « Un jour, M. Duchenne (de Boulogne) vient me dire qu’on a observé à l’Hôtel-Dieu, dans le service de M. Trousseau, un fait contraire aux idées que je professe sur le siège du langage articulé. Je me rends à l’hôpital et je constate, en effet, que le lobe pariétal était malade ; mais, m’appuyant sur les faits antérieurs, j’annonce, en enfonçant un scalpel dans l’épaisseur de la troisième circonvolution, que là doit se trouver une lésion. Effectivement, la circonvolution était altérée dans ses 3 centimètres postérieurs. »

Plusieurs autres petits mémoires ont trait à divers points de la même question, entre autres à la localisation de la fonction du langage articulé dans la troisième circonvolution frontale droite chez les gauchers.