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serait contradictoire, mais en même temps ; tandis que le libre et le déterminé, s’ils lui conviennent, ne sauraient lui convenir que moyennant une double différence, différence de rapport et différence de durée. Enfin, considérer le libre et le déterminé comme faces du phénomène c’est, ou bien vouer le « phénomène » à la condition inévitable d’un abstrait, ou n’accorder point à la distinction du « libre » et du « déterminé » d’autre valeur que celle d’une distinction abstraite. Le phénomène résulterait-il de la fusion de ces deux éléments ? Oui, puisque ces deux éléments sont des « faces » et que le propre de deux faces paraît bien être, d’après M. Gourd, de se fondre et de se pénétrer l’une l’autre. Mais, s’il en est ainsi, ce passage nous devient inintelligible. « Dépendance et liberté ne sont pas fixées à l’avance dans leur étendue, mais elles le sont dans leur existence. Nous découvrons comme deux séries parallèles d’éléments, qui sont inséparables en réalité… » Qu’est-ce donc que deux séries parallèles inséparables ? Le parallélisme n’est-il pas la négation de toute rencontre ? — M. Gourd a peut-être voulu dire que des deux séries parallèles l’une est le reflet de l’autre ? — Non ; il n’a pu le penser, autrement il eût transporté dans le phénomène la distinction introduite par Kant entre l’ordre sensible et l’ordre intelligible : d’ailleurs, le mot « parallélisme » appliqué à la doctrine de Kant serait singulièrement impropre, et d’une manière générale un reflet n’est point parallèle à ce dont il est le reflet. Alors les éléments libres et les éléments déterminés auront même valeur ? Ou le mot parallélisme ne signifie rien ou il signifie cela. Il est vrai qu’un tel mot exclut l’idée de moment, et qu’on ne peut plus dire du « libre » et du « déterminé » qu’ils sont deux moments du phénomène ainsi que nous l’avons proposé tout à l’heure. On n’en reste pas moins dans l’impossibilité de dire qu’ils en sont des faces, au même titre que le ressemblant et le différent, que l’instable et le stable, etc.

La diversité du ressemblant et du différent vient de marquer deux faces de l’expérience : d’autres diversités, on a dit lesquelles, se rattachent à celles-là ; d’autres diversités restent encore dont on n’a rien dit : celle du physique et du psychique, celles de l’être et du non-être, du simple et du composé, de la quantité et de la qualité. Il se peut que ces dernières soient irréductibles aux précédentes : la diversité du physique et du psychique, par exemple, est autre que celle du ressemblant et du différent. Entre le psychique et le physique tout diffère ; et la preuve que tout en eux diffère, c’est qu’aucun attribut ne leur appartient en commun ; ils sont donnés dans la conscience, ils sont tous deux objets de représentation : l’idée générale de phénomène les enveloppe, à vrai dire, et les rend, par suite, réductibles à « l’abstrait suprême ». Mais être réductible à l’abstrait suprême, ou, comme dirait un platonicien, ne participer ensemble que d’une seule idée, la plus enveloppante de toutes et, par là même, la plus pauvre, à savoir l’idée d’être, cela équivaut à être irréductible. En effet, partez