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faces, et il affirme avec Platon que le ressemblant et le différent, dernière diversité du monde phénoménal, marquent deux faces de celui-ci. Maintenant il s’agit de découvrir quelles diversités se rattachent à la diversité primordiale du ressemblant et du différent, autrement dit, quelles sont les faces principales du phénomène.

De l’autre et du même (ces deux termes se trouvent sous notre plume, tant il semble qu’ici M. Gourd platonise), « considérés au point de vue restreint des conséquences », dériveront l’actif et l’inactif. Le différent s’oppose au ressemblant ; pour être, il lui résiste, pour lui résister il agit ; le différent est d’une nature belliqueuse ; le ressemblant, d’essence pacifique, ne demande que le statu quo ; le moindre changement consommerait sa ruine. Ainsi l’actif et l’inactif marqueront deux faces de la réalité même, car, tout agit, et en même temps il y a de l’inaction en tout. « L’essence des choses n’est pas la force, comme le disait Leibniz, elle est la force et l’opposé de la force, « l’activité et l’inactivité ». De même Platon ne disait-il pas que le non-être est l’opposé de l’être et qu’il n’est pas le néant ? Nous craindrions de forcer les analogies, mais c’est bien malgré nous que la comparaison s’impose. Et la comparaison, s’il fallait l’examiner à loisir, tournerait à l’avantage du philosophe grec. En effet, on peut comprendre ce qu’est le non-être, tel que Platon le conçoit : le non-être, d’après lui, est une des faces de l’être, du différent : selon M. Gourd le non-être, la non-force, et j’ai peut-être le droit d’appeler ainsi « l’inactif », procéderaient non de l’autre, mais du même ; ennemi de toute diversité et en dépit de ses dispositions pacifiques, n’est-il pas incité à la lutte par l’opposition de l’autre ? Les résistances du différent n’appellent-elles pas une réaction, autrement dit une contre-résistance, c’est-à-dire un déploiement de force ? Ce ne serait donc point l’inactif qu’il faudrait opposer à l’actif, pas plus que la non-force à la force, mais bien, qu’on nous passe le mot, l’anti-force, l’anti-actif. Dans ces conditions, on pourrait continuer à voir dans ce que M. Gourd appelle, très improprement selon nous, l’actif et l’inactif deux faces du phénomène ; il faudrait ajouter toutefois qu’elles sont irréductibles et qu’elles ne peuvent être déduites de l’opposition primitive du ressemblant et du différent. Sur ce point, il serait d’ailleurs assez étrange que M. Gourd eût des doutes et que le lien par lequel il rattache les faces principales du phénomène, aux faces primordiales du différent et du ressemblant, fût un lien logique. Les tendances criticiste et pluraliste de ce philosophe nous empêchent de lui prêter cette opinion. D’autres la lui prêteront peut-être, et cela, faute d’une discussion sur la manière dont il entend rattacher l’inactif et l’actif, l’instable et le stable, etc., au différent et au ressemblant. Le problème « de la participation des idées entre elles » a été posé par Platon ; Platon ne l’a point résolu. M. Gourd devait craindre de ne le point résoudre. Mais le problème s’imposait et ce philosophe eût singulièrement facilité l’entente de sa doctrine, rien qu’en se bornant à dire quelles solutions il excluait. Deux solu-