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tances particulières qui doivent la mettre en exercice. Elle est universelle. L’être rudimentaire chez lequel toutes les impressions résultant d’un choc aboutissent à une contraction, en vertu d’un ajustement préétabli, ignore les événements qui réaliseront pour lui les conditions de ce choc prochain, et ne peut même pas savoir si celui-ci se produira jamais. Il possède néanmoins tous les éléments d’une conclusion applicable à ce choc, et qu’une conscience plus compliquée pourrait essayer de formuler de la manière suivante : « Tout contact implique un danger ou annonce une proie. Tout contact nécessite soit un état de fuite, soit un effort de capture[1]. » M. Bernard Ferez, d’un autre côté, ayant à examiner la question des idées générales, dans un de ses utiles ouvrages sur la Psychologie de l’enfant, émet une opinion tout à fait différente : « Éviter le feu ou la chaleur brûlante, sous un certain nombre de formes, dit-il, est-ce là posséder une idée abstraite et générale, à proprement parler, de qualité brûlante, et l’appliquer soit à un, soit à plusieurs cas ? J’en doute[2]. » Et il ajoute en note, après avoir cité l’opinion de M. Pannier : « Réformée ou perfectionnée par l’expérience, cette tendance ne peut, selon moi, se confondre avec un concept général ; l’application, l’extension, l’inférence qui en résultent, ne sont, comme le dit H. Spencer, « qu’un ajustement des rapports internes aux rapports externes, un processus mécanique d’expériences associées ou groupées ».

La grande différence qu’il parait y avoir entre les deux cas extrêmes, c’est que dans un cas le fait général, tendance ou idée, peut exister en lui-même, à part de chaque fait particulier, sous la forme d’idée ou de proposition exprimée par des mots ; dans l’autre cas, au contraire, le fait général paraît ne se manifester que dans chaque cas particulier et n’exister, en lui-même et à part des cas particuliers, que d’une manière virtuelle. Il y a sans doute chez l’animal inférieur qui réagit une tendance générale qui ne parait pas exister en elle-même, comme phénomène actuel, et non seulement comme trace organique, en activité réelle et non seulement en puissance en dehors des cas particuliers où elle se manifeste en même temps que d’autres phénomènes spéciaux ; la tendance générale n’est pas isolée et abstraite. Il me semble que c’est sur ce point que porte le doute de M. Ferez. Il correspond à un fait réel, sur lequel nous aurons à revenir amplement, mais il faut remarquer d’abord que la tendance générale ainsi comprise peut cependant être considérée comme un des premiers degrés de la généralisation, et ensuite que certaines

  1. Revue philosophique, sept. 1882, page 298.
  2. B. Ferez, l’Enfant de trois à sept ans, p. 204.