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nous n’avertissait le sujet (conscience secondaire) d’une intention que je n’avais pas. Du reste, je le répète, ces impressions visuelles appartiennent à un processus normal. Mais en revanche, à mesure que les expériences se sont répétées, la conscience secondaire a dû comprendre ce que je voulais quand j’excitais la main anesthésique, et d’autre part la conscience primaire, en revoyant toujours les mêmes impressions visuelles, s’y est intéressée et les a amplifiées. Ces impressions visuelles ont par conséquent atteint une intensité inaccoutumée.

Qu’a-t-il pu se produire ensuite, quand j’ai varié la forme de l’excitation, ce qui a modifié la forme de l’impression visuelle ? La conscience secondaire a été informée du fait, mais en a-t-elle fait part à la conscience primaire ? C’est là une question bien intéressante ; car elle est relative aux rapports qui existent entre deux consciences. Nous avons tous les éléments d’une solution complète dans les chapitres précédents.

En premier lieu, la conscience primaire ne connaît pas l’origine de l’image visuelle ; elle ne la met pas en rapport avec l’excitation périphérique. C’est le fait le plus fréquent, celui que j’ai toujours observé, et l’on comprend que le fait contraire supprimerait l’anesthésie hystérique. Tantôt la conscience primaire s’imagine qu’elle a affaire à une idée spontanée et volontaire (par exemple dans le cas du choix d’un chiffre), tantôt nous voyons certains sujets croire que c’est le livre qu’ils lisent qui produit ces apparences visuelles (cette explication stupide m’a été donnée par deux sujets), tantôt l’hystérique ne s’inquiète pas de l’origine des images.

En second lieu, nous voyons le sujet ne pas reconnaître certaines apparences, par exemple son doigt quand on l’agite. Tout ceci prouve que, quelle que soit la complexité des opérations accomplies par la conscience secondaire, la conscience primaire ne les connaît pas, et n’en saisit que le résultat final. Il peut, du reste, y avoir des variations d’un sujet à l’autre.

Quant à la complexité des opérations accomplies par la conscience secondaire, nous en avons cet exemple que si on fait un nombre donné d’excitations insensibles, c’est souvent la conscience secondaire qui les compte, et la conscience primaire n’en connaît que le total. Nous avons dit cela dans notre précédent article.

Il résulte de tout ceci, ce me semble, que si la conscience primaire perçoit la forme de l’excitation, cela ne tient pas simplement à ce qu’une sensation tactile de telle forme est associée à une sensation visuelle de telle forme ; cela tient à ce que la conscience secondaire, qui recueille la sensation tactile, suggestionne en quelque