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écartées le dos de la main, on provoque sur l’écran des taches éloignées de 10 à 12 millimètres.

Il y a cependant un moyen de régulariser ce phénomène de perception réductrice : si on fait une piqûre sur un point fixe, par exemple sur l’extrémité de l’index, qu’ensuite avec une seconde épingle on fasse sur la main, le poignet, l’avant-bras, le bras et l’épaule une série de piqûres qui s’éloignent progressivement de la première, la seconde tache provoquée sur l’écran s’éloignera aussi progressivement de la première, et pourra atteindre finalement une distance de 15 centimètres et davantage. Dans ce cas, la réduction des distances suit une marche à peu près régulière. (Observé sur Cles…, Schey…, Demang…, Lavr…)

Nous pouvons, ce nous semble, comparer ce phénomène de réduction au raccourci de la vision extérieure ; on sait que, dans la vision extérieure, la troisième dimension, la profondeur, est perçue en raccourci. C’est un fait curieux que, dans la vision mentale, les deux autres dimensions, la longueur et la largeur, peuvent être également perçues en raccourci.

Tout cela peut être en quelque sorte entrevu par l’observation intérieure. Nous savons que nous pouvons, par l’imagination, grossir un objet ou le rapetisser, le visualiser de près ou de loin ; il semble qu’ici encore l’attention joue un rôle prépondérant. Mais ces notions sur la vision mentale sont loin d’avoir la précision des expériences précédentes.

Nous terminerons ce sujet par une réflexion curieuse de quelques malades ; lorsqu’on leur dit de marquer la distance qui leur paraît séparer sur l’écran les deux points qu’on a produits, certains malades tout en marquant les deux points à une distance de quelques millimètres déclarent spontanément que les points leur paraissent très éloignés. Cette contradiction n’est qu’apparente, à notre avis ; lorsqu’on regarde la photographie d’un paysage, deux objets, quoique à peine distants de quelques millimètres sur la photographie, peuvent cependant nous paraître très éloignés.

Conclusion.

En terminant ce travail, je veux essayer de chercher dans quelle mesure des suggestions peuvent en avoir altéré les résultats. Le temps n’est plus où un auteur pouvait affirmer sommairement et pour ainsi dire dédaigneusement qu’il n’avait fait aucune espèce de suggestion. Cette affirmation tranchée me paraît bien imprudente ;