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BINET.la vision mentale

malgré la confusion apportée par le redoublement dans les expériences, on peut encore constater que, si on n’excite pas le tégument insensible, le sujet ne voit rien sur l’écran, et que c’est seulement lorsqu’on applique le compas sur la peau que le sujet voit apparaître des points en nombre varié.

Il arrive parfois qu’on peut observer chez certains malades une véritable hyperesthésie de la sensibilité tactile inconsciente, comme le démontre l’expérience suivante. Nous appuyons sur la nuque de Lavr… (anesthésique totale) un petit disque de trois centimètres de diamètre sur lequel un sanglier est représenté en relief ; les individus normaux sur lesquels on répète cette expérience perçoivent simplement l’impression d’une surface circulaire ; la malade précédente, dont la peau est entièrement insensible, voit se dessiner sur l’écran une forme circulaire, et au milieu du cercle un animal dont elle parvient facilement à tracer le contour.

Il résulte de cette expérience que la sensibilité d’un membre peut être à la fois inconsciente et hyperesthésiée.

Il serait inexact de dire que chez tous les malades indistinctement l’image visuelle reproduit aussi exactement la forme de l’excitation tactile. Il faut donc laisser de côté cette expérience trop délicate, et la remplacer par d’autres épreuves, du genre de celles-ci ; si l’on dessine sur le tégument insensible, avec une pointe de compas ou de crayon, un cercle, une croix, une série de petits points, des lignes qui se coupent suivant un angle déterminé, le sujet perçoit divers dessins en caractères visuels sur l’écran avec une assez grande précision ; les rapports entre les diverses parties des figures sont conservés. Pour ces expériences, comme pour les suivantes, il faut faire l’excitation sur la main placée dans le même plan que l’écran.

En ce qui concerne la grandeur des figures, la reproduction visuelle est moins exacte. Si, le compas à la main, on excite la pulpe des doigts avec un écart de 2 à 5 millimètres, les deux points qui apparaissent sur l’écran ont parfois exactement cette distance ; pour 10, 15, 20 millimètres, la distance est encore nettement perçue ; mais lorsqu’on augmente la distance au delà de ces limites, on reconnaît qu’il se fait constamment dans la perception visuelle une réduction. La distance de 6 à 7 centimètres est réduite sur l’écran à 3 ou 4 centimètres, et ainsi de suite.

Cette réduction, d’ailleurs, n’a rien de régulier, chez une même malade. Il arrive par exemple que certains jours, en excitant deux points très éloignés comme la région du front et la pulpe de l’index, on obtienne sur l’écran des taches à peine éloignées de 5 à 6 millimètres, et que cinq ou six jours après, en excitant avec des pointes